Quelques jours avant l’assemblée des évêques à Lourdes, une quarantaine de victimes de diverses communautés ont interpellé l’épiscopat sur des dérives sectaires dans l’Eglise. Rien de bien nouveau puisque ces dérives et leurs cohortes de personnes et familles détruites sont connues de tous depuis des années sans que l’épiscopat s’en émeuve. Qui ne serait donc pas surpris qu’aujourd’hui, Mgr Pontier réponde à cet appel ? Un appel signé notamment, par Yves Hamant, très concerné par le fait puisqu’il est le père d’une ancienne religieuse de Point-Cœur. Mais il est aussi professeur d’université émérite : une personnalité connue, ce qui pourrait laisser penser que le « volume social » n’est pas étranger à la prise en compte épiscopale. De plus, il déclare dans Le Figaro du 14 novembre dernier, avoir décidé d’agir non pas « pour nuire à l’Église mais pour avertir et protéger les jeunes, dénoncer la manipulation des consciences et que les fruits portés par ces œuvres ne justifient plus l’omerta imposée dans les communautés, car ce sont des vies entières qui sont détruites en silence ». Il demande aussi le respect du droit canonique « séparant le for interne et le for externe » pour la liberté des consciences.
Il y a plus de douze ans que les victimes et leurs associations ont fait les mêmes demandes. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et devant le silence de l’épiscopat, les médias s’en sont mêlés mettant au grand jour les « fruits » de ces communautés et en première ligne, les magouilles de leurs fondateurs. Devenus brutalement sulfureux, ils ont été vite « lâchés » par ceux qui les adulaient. Leurs forfaitures connues de tous ne gênaient personne tant qu’elles ne se savaient pas. Mises sur la place publique, ils ont donc servi de boucs émissaires pour blanchir et protéger le système. L’enjeu est important : il s’agit de sauver la « Nouvelle
évangélisation » enracinée dans ce Renouveau si « prometteur » qui capte toutes les forces vives de l’Eglise… Les discours des responsables ecclésiaux, protecteurs de ces communautés, s’acharnent à faire croire que le système sectaire a changé. Ils n’ont toujours pas compris que personne ne peut y croire. Le système est fondamentalement pervers, puisqu’il est l’application des dérives du psycho-spirituel érigé en spiritualité par leurs fondateurs. La preuve en est l’incapacité de ces communautés et de l’épiscopat qui les couvre, à régler le grave problème des victimes. C’est bien là le vrai problème. C’est là que le bât blesse l’Eglise.

Un pas de franchi
Aujourd’hui, Yves Hamant, dans sa démarche tout à fait légitime au service des personnes, prend quand même le train en route, avec le risque, bien malgré lui, que certains épiscopes englués dans ce marécage y voient une opportunité pour renvoyer les victimes à la case départ… des années en arrière. Sauf que cette tentation, certainement très séduisante, n’est pas possible. Ce que Mgr Pontier, en homme intelligent ne peut ignorer. Il se peut donc qu’une nouvelle ère s’ouvre avec le nouveau président de la Conférence épiscopal de France dont les responsabilités sociales dans l’Eglise donnent à espérer un regard enfin humain pour les victimes. C’est donc avec grand intérêt, après ces précisons nécessaires, que nous prenons connaissance de son courrier qui cependant appelle de nombreuses remarques :
Tout d’abord, les trémolos de l’émotion du début de la lettre pour parler des personnes en souffrance que l’épiscopat n’a jamais voulu prendre en compte, est loin de sonner juste. Leur faire savoir que l’épiscopat pense à eux c’est bien, poser des actes concrets pour les aider serait mieux. Or la suite virtuelle n’engage pas l’épiscopat dans ce sens :

« Porter avec eux leur souffrance, les assurer de notre compassion et les aider dans leur reconstruction. » Oui, mais comment ? Il faudrait préciser. Pour le moment, il semble que ce soit concrètement, par le lieu « d’accueil » mis en place par l’épiscopat dont le responsable Mgr Guéneley est un proche de Bernard Dubois, le théoricien de l’Agapè et de la religiosité psycho-spirituelle des Béatitudes responsables de tant de dégâts. (Voir le dossier de Golias Magazine n° 149/150 sur le sujet et Le Livre noir du CCMM) Ce service semble un drôle de lieu d’écoute… Une annexe de l’Agapè ? On peut se le demander sachant que Mgr Guéneley a fait avec Bernard Dubois un DVD sur l’exorcisme et reconnaît à celui-ci un « ministère de délivrance »… qui n’existe pas dans l’Eglise ! Quant aux victimes, ils pourront même les exorciser ensemble. Nous savons, hélas, les « miracles » faits par leurs « prière de délivrance ».

Nous n’avons pas non plus souvenir que l’Eglise ait alerté les familles sur les dangers de certains groupes, contrairement à ce qu’affirme Mgr Pontier. Irréfutablement, là encore, les faits, les courriers, les documents et les dossiers, démontrent que ce sont les familles qui, depuis plus de dix ans, alertent tous les évêques responsables et l’Eglise jusqu’à Rome, sur ces groupes déviants et leurs « gourous ». C’est pourquoi, faute d’avoir été entendues, elles se sont adressées aux médias et continueront à le faire. Tout le monde connaît la kyrielle de scandales de certaines communautés qui ne cessent de faire la une des journaux. Est-ce à ces mêmes groupes que fait référence Mgr Pontier lorsqu’il parle « du danger de certains groupes qui ne paraissent pas promouvoir un comportement juste par rapport à l’Evangile ». Auquel cas, qualifier ces honteuses dérives sectaires en des termes si délicats, est plus que déplacé, c’est choquant ! Le langage ecclésial gagnerait à s’adapter à la réalité.

Faut-il s’en étonner lorsque Mgr Pontier nous dit avoir interpellé les responsables de certains groupes et n’avoir reçu de leur part que méfiance et silence ? Un tel constat d’impuissance de la part du plus haut dignitaire de l’Eglise en France est affligeant ! Donc, c’est dit, nous prenons acte : l’autorité de l’épiscopat accepte d’être subordonnée à celle des responsables de communautés déviantes. Et l’incurie va plus loin. Mgr Pontier ose se lamenter auprès des victimes : « Ce n’est pas un réconfort de savoir que nos remarques étaient justifiées. » Faut-il le plaindre ? Ce constat de subordination passive est lourd de conséquences et explique à lui seul les dégâts humains en laissant prévoir que bien d’autres victimes viendront, malheureusement, s’ajouter à celles d’aujourd’hui. Comment ne pas croire que cette incurie entretenue depuis si longtemps n’est pas un prétexte pour s’en débarrasser d’elles ?

L’incurie de Mgr Carré
Mgr Carré, actuel vice-président de la Conférence épiscopale et archevêque de Montpellier, en est un bel exemple. En 2000, alors évêque d’Albi, il était en charge de la communauté des Béatitudes et à ce titre était tenu au courant, par le Service Accueil Médiation (SAM), de toutes les dérives et recevait tous les dossiers des victimes. Cela ne l’a pas empêché de mener cette communauté déviante fin 2002, en toute connaissance de cause, à la reconnaissance romaine ad experimentum pour cinq ans. Des victimes sont allées le trouver. Il les a « écoutées » et leur a dit qu’il ne pouvait rien faire… Si cet évêque avait assumé à cette époque ses responsabilité que de victimes et de scandales auraient été épargnés ! En 2008, les scandales éclataient dans les médias2, Rome ne pouvait que refuser de reconnaître les Béatitudes. Depuis, et envers tout, l’Eglise continue à protéger cette communauté en piteux état dont les agissements ont couvert de honte notre Eglise. Il semble que pour son discernement si protecteur des Béatitudes et son autisme auprès des victimes, Mgr Carré ait eu une promotion en étant nommé secrétaire du synode sur la « Nouvelle évangélisation », à Rome. Et le voilà propulsé maintenant vice-président de l’épiscopat. Un homme qui ne peut rien faire… Pour les victimes, bien sûr !
Une impuissance qui montre les limites de la déclaration d’intention de Mgr Pontier : « Nous voulons dire avec force que nous souhaitons continuer à agir pour que des situations se clarifient, pour que la vérité puisse apparaître lorsque c’est nécessaire et pour que ceux qui ont été victimes de procédés déviants trouvent auprès des
évêques une oreille attentive et compréhensive. » Pour que la vérité apparaisse, il faut avant tout cesser de rejeter les victimes pour leur faire comprendre qu’elles n’ont plus leur place dans l’Eglise alors que les « gourous » y continuent leurs activités sectaires et lucratives, en toute impunité. Il faut aussi plus « qu’une oreille attentive et compréhensive » qui n’engage pas à grand-chose et ne dérange personne. Il faut rendre justice aux victimes, ce qui exige des engagements humains et spirituels d’une autre trempe pour faire face à de telles dérives. Peut-on encore espérer que l’autorité ecclésiale se reprenne et commence – enfin ! – à agir pour mettre fin à ce système destructeur enraciné dans le mensonge ?

Peut-être Mgr Pontier, acceptera-t-il d’ouvrir la porte aux victimes ? Mais
par pitié ! Pas en jouant encore à les « écouter », il y a plus de dix ans que l’Eglise les « promène » : Le SAM ! La pastorale des sectes ! Les sous-fifres d’épiscopes trop occupés ! etc. sous le prétexte usé de les « écouter » pour à ce jour, ne pas les avoir véritablement entendues. Et maintenant la trouvaille de Mgr Guéneley (cf. plus loin). Et puis quoi encore ? Il faut être sérieux. Nous le redisons avec gravité, Il serait de l’intérêt de l’Eglise de prendre en compte d’une manière responsable cette situation qui va rapidement exploser en éclaboussant bien des responsables ecclésiaux. La surdité de l’épiscopat, volontairement rédhibitoire, jusqu’ici, cèdera-t-elle la place à la volonté de rendre justice aux victimes, au nom de la vérité évangélique qui rend libre. Liberté à laquelle Mgr Pontier se dit si attaché ? L’avenir le confirmera ou infirmera. Mais d’ici là, la vérité est en route, elle marche au pas des victimes qui ne s’attardent plus sur ce dont La Croix fait un événement, même s’il s’agit d’un pas en avant

source : Golias News.fr par Claude Terrasse