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G. M. France-Guyane 26.02.2010

Les témoins qui se sont succédés à la barre ont raconté l’épouvantable calvaire qu’ils enduraient lors des frasques de certains membres de la communauté de l’église du Christianisme céleste. La salle a parfois grondé en écoutant les récits.
ASSISES. Au cours de ces dernières quarante-huit heures plusieurs témoins ont été appelés à la barre de la cour d’assises où est jugée l’affaire qui a entraîné la mort d’un adolescent de 15 ans le 3 janvier 2005. On l’a retrouvé après qu’il ait été allongé, ligoté et bâillonné sur une croix en bois. Ces différents témoins ont apporté des précisions, parfois insoutenables, sur les méthodes pratiquées par les accusés, Maurice Saint-Pierre et son épouse Félicité-Denise ainsi que les devanciers (1) Alain Lescot et Jean-Luc Rosa. Tous ont joué des rôles particuliers dans l’église du Christianisme céleste et ce sont ces rôles qui détermineront la lourdeur des peines de réclusion criminelle qui seront prononcées ce soir. À moins, bien sûr, c’est d’ailleurs la raison de cet appel, que ces quatre présumés innocents aujourd’hui encore ne soient acquittés. Maurice Saint-Pierre, cet homme au caractère fort, comme l’a décrit l’un de ses anciens professeurs de maçonnerie, tenait « la maison » avec poigne. Il était chargé de la paroisse alors que sa femme, qui l’a rencontré en 1996 dans le cadre de prières, était la mère Sainte ou spirituelle. Elle organisait les prières et s’occupait des fidèles. Les seconds couteaux, Alain Lescot et Jean-Luc Rosa, participaient comme membres actifs (voire très actifs) aux prêches et avaient de basses tâches à accomplir comme celles de ficeler certains fidèles sur une croix ou de préparer des bains de sanctification par exemple. Ils étaient souvent là lors des séances dites de purification et désenvoûtement dont Saint-Pierre était un éminent spécialiste.

La salle prise d’émotion

Mais ces réunions ne se déroulaient pas toujours bien si l’on en croit certains témoignages. Comme cette jeune fille de 18 ans aujourd’hui (13 ans au moment des faits) qui a fourni de nombreuses précisions sur le calvaire qu’elle a subi : « On me faisait dormir par terre, sur un matelas, dans l’église. Parfois j’étais allongée sur un matelas mais il est arrivé aussi qu’on m’attache toute une nuit sur la croix comme je l’ai vu faire aussi pour d’autres personnes. J’avais mal dans le dos, a t-elle poursuivi en mettant son index entre les deux omoplates, parce qu’il y avait un crucifix qui entrait dans ma chair. » Plutôt sûre d’elle, elle a raconté aux enquêteurs et confirmé dans le prétoire qu’un jour, alors qu’elle était attachée et qu’elle gémissait dans l’église, que Maurice Saint-Pierre s’est approché d’elle en lui disant « chut. » Et, ensuite, il a collé deux doigts, l’index et le majeur, comme pour imiter un pistolet et l’a visée en faisant semblant de la tuer.

Cette anecdote a fait gronder la salle composée à 80% de femmes, comme certains autres détails particulièrement éprouvants. Elle aussi a eu droit aux séances de flagellations avec des sangles ou des rameaux. « Ca faisait parfois très mal » , a t-elle soutenu. Son passage prolongé à l’église lui a fait perdre du poids puisqu’elle ne pesait que 23 kg à la sortie. Elle a enfin dit devant les jurés qu’un jour Saint-Pierre l’avait volontairement brûlée avec son encensoir. C’est à partir de là qu’un avocat de la défense a lu sa déposition dans laquelle elle avait déclaré aux enquêteurs que ces faits précis furent involontaires. D’où ensuite un remue- ménage du côté de l’avocat général et de deux avocats (de la partie civile et de la défense) qui faillirent d’en venir aux mains si le président n’avait pas fait évacuer la salle bondée.

{{« J’ai supplié pour qu’on arrête »}}

Un homme âgé de 55 ans, contrôleur au port de Degrad-des-Cannes, a expliqué qu’un jour il avait été emmené par son frère à la paroisse Saint-Gabriel de l’église du Christianisme céleste, cité Césaire à Cayenne, et forcé de se soumettre aux frasques du gourou qui se défend l’être. « Saint-Pierre et mon frère m’ont pris de force et quand ils m’ont fait entrer dans l’église j’ai vu cinq ou six hommes en robes blanches. J’ai été attaché comme un lézard et on a mis des bougies autour de moi. Saint-Pierre m’a obligé à respirer de l’encens. J’ai supplié pour qu’on arrête. J’étouffais. » Ce témoin qui n’a déposé plainte que plusieurs mois après en expliquant cette décision tardive par peur de représailles. Le principal accusé dans cette affaire a nié en bloc toutes les allégations de ce témoin. Un devancier a raconté comment s’opéraient la séance des rameaux et le dépouillement avec une sangle. » Quand on est dépouillé on n’a pas forcément mal mais on doit le sentir après… Je n’ai vu qu’une fois quelqu’un attaché sur la croix. Certains, comme Saint-Pierre et Rosa, étaient connus pour faire des noeuds durs lorsqu’ils attachaient les pieds et les mains. Rosa mettait des bâillons avec un rouleau de scotch marron Il a eu des dépouillements doux et d’autres plus énergiques avec toujours du monde autour. Mais on dit que cela apporte du bien-être. » Ce témoin n’a pas pu dire combien de temps duraient ces exercices. Hier matin les principales questions ont porté sur les médicaments que prenait le jeune garçon décédé, parfois pris de crises d’épilepsie. Plusieurs membres de la communauté ont prétendu qu’ils ne savaient pas que Roger était sous traitement.

Quelques-uns avaient soutenu le contraire dans leurs dépositions. La question importante de la prise ou non des médicaments reste au centre de cette affaire car on tentera peut-être de démontrer aujourd’hui que la mort pourrait être due, en totalité ou en partie, à une absence de prise de cachets. Quelquefois Roger prenait ses médicaments à l’église. Il a été vu au moins une fois par un devancier (2). Mais lorsqu’il était attaché, à l’évidence, il ne pouvait pas se plier à son traitement. On sait que lui-même n’observait pas toujours la prise des médicaments en temps voulu. Ce soir, sans doute tard dans la nuit puisque une dizaine d’avocats plaideront, les jurés devront faire appel à leur intime conviction. En première instance d’autres jurés les ont tous reconnus coupables.

(1) Le devancier est un celui qui prépare les événements et le travail pour son supérieur hiérarchique.

(2) Le devancier est un celui qui prépare les événements et le travail pour son supérieur hiérarchique