Lors d´un colloque à l´Assemblée nationale sur les 10 ans de la loi About-Picard introduisant le nouveau délit de “sujétion mentale”, on apprend que seules 4 à 5 décisions, sur les 35 intervenues au total au titre de cette loi, concernent des « dérives sectaires ». Par ailleurs, le président de la Miviludes a révélé quelle était la première “médecine douce” a être considérée officiellement comme « charlatanesque ».

« La méthode Hamer, dite aussi de biologie totale, vient d’être évaluée par le groupe d´appui technique sur les pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique, [créé auprès du directeur général de la santé]. Il y aura très prochainement une publication sur le site du ministère de la santé. Elle alertera sur les dangers de cette méthode. Elle est charlatanesque et peut faire des victimes. »

Cette annonce a été faite par Georges Fenech, président de la Miviludes, à l’Assemblée nationale, ce mercredi 26 octobre 2011, lors du colloque organisé à l’occasion des 10 ans de la loi About-Picard, intitulé : “Initiatives parlementaires et lutte contre les dérives sectaires : bilan et perspectives” et organisé par le Groupe d’études sur les sectes. La méthode Hamer est ainsi la première d´une série de démarches non-conventionnelles, appelées aussi “médecines douces ou parallèles”, à faire l´objet d´une étude instritutionnelle destinée, aux dires de ses promoteurs, à séparer le bon grain de l´ivraie.

M. Fenech a émis le vœu qu’une « législation intervienne pour interdire cette méthode ».

Il a également appelé à la constitution d’une nouvelle commission d’enquête parlementaire qui devra étudier, lors de la prochaine législature, la question des dérives sectaires dans le domaine de la santé, qui sera une « question centrale pour les années qui viennent ». Et ce, en lien tout particulier avec la protection des enfants. Ce souhait fut partagé par Philippe Vuilque, président de ce groupe parlementaire d’études, et a été accueilli par les applaudissements nourris de la salle Victor Hugo où se déroulait le colloque.

« Dérives sectaires » : seulement 4 ou 5 sur les 35 condamnations

De son côté, Maryvonne Caillebotte, directrice des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice, a présenté le bilan de la loi About-Picard tendant « à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires, portant atteinte aux Droits de l´Homme et aux libertés fondamentales », votée en 2001 : « Il y a une centaine de procédures pénales en cours identifiées comme ayant un lien avec les dérives sectaires. Un tiers de ces procédures se concentrent sur l’Ile-de-France et le sud de la France ; un quart, les DOM-TOM. Depuis 2004, date à laquelle la loi a commencé à s’appliquer dans les faits, 35 condamnations ont été prononcées sur le fondement de cette loi. Quatre à cinq ont concerné directement des dérives sectaires. Et, parmi elles, la condamnation de Néophare peut être considérée comme emblématique de ce que peut signifier l’introduction du nouveau délit de “sujétion psychologique” introduit par la loi About-Picard. Et avoir un impact jurisprudentiel ».

M. Gest regrette la non-actualisation publique de la liste des “sectes”

Alain Gest, député de la Somme, rapporteur de la commission parlementaire « Les sectes en France », avait publié en 1995 une liste de 172 mouvements nommément désignés à la vindicte publique, ce qui avait provoqué une polémique qui n’est toujours pas tarie seize ans plus tard. Aujourd’hui, il a affirmé en « assumer pleinement le principe » qui avait permis d’envoyer « un signal fort » à la société toute entière. « A de très rares exceptions près, notre liste était juste et légitime, malgré les vives protestations des groupes concernés. Tout au plus regretté-je de ne pas avoir suffisamment distingué le caractère plus ou moins dangereux de ces organisations de leurs aspects farfelus. Mais cette liste a rendu d’inestimables services aux magistrats, aux municipalités (pour des problèmes de location de salle, par exemple), aux travailleurs sociaux, etc. Je regrette qu’une actualisation de cette liste [existant au sein de la Miviludes] ne soit pas rendue publique. Ayons aussi l’humilité de reconnaître que nous avions évoqué la « disparition » de l’Ordre du temple solaire quelques jours seulement avant qu’il ne fasse en fait 18 victimes en France… »

Les défenseurs des victimes s´estiment mal pris en compte

Quant à Daniel Vaillant, député maire de la mairie du XVIIIe arrondissement de Paris, ancien ministre de l’intérieur, il a revendiqué lutter non seulement contre les « dérives sectaires », mais bien aussi contre les « sectes », même si aucune définition de ce terme n’existe juridiquement : « Face à ces gens qui ne sont là que pour exploiter et dominer, il faut que la République gagne le rapport de force ! » Il a félicité à ce propos les grands médias qui, « pour une fois », produisent des « effets bénéfiques grâce à leurs reportages et à leurs mises en garde très utiles ».

La conférence de presse annoncée en fin de colloque a été supprimée sans explication.

>> On peut regretter que, comme d’habitude dans ce domaine sensible, toute différence d’opinion soit soigneusement évitée, que le principe du contradictoire (un principe démocratique fondamental pourtant) ne soit jamais respecté. On comprend, dans cette ambiance, qu´ait été applaudi le vote en première lecture d’un amendement proposé par M. Vuilque pour exonérer le président de la Miviludes de toute responsabilité sur ses propos et lui épargner les recours éventuels des personnes ou des groupes par lui stigmatisés.

source :Ouvertures
par Jean-Luc Martin-Lagardette

http://www.ouvertures.net/portail/index.asp