{{Publié le 02 février 2010}}

Nicolas Bérubé

{{La Presse}}

(Los Angeles) Deux soeurs héritières de l’empire montréalais Seagram ont investi des dizaines de millions de dollars dans une secte dont le leader est décrit comme un «spéculateur compulsif» et un «investisseur immobilier déchu».

C’est ce qu’affirme dans une poursuite déposée à la Cour supérieure de Los Angeles une ex-dirigeante de l’organisation, qui estime avoir été elle-même flouée.

Les documents soutiennent que les soeurs montréalaises Sara et Clare Bronfman, toutes deux dans la trentaine, sont tombées sous le «joug complet» de Keith Raniere, 49 ans, leader d’un groupe de croissance personnelle appelé NXIVM (prononcez Nexium) situé à Albany, dans l’État de New York.

Au fil des ans, les soeurs auraient investi 100 millions de dollars dans les aventures de spéculation immobilière menées par Raniere en Californie et ailleurs. Ces investissements sont partis en fumée durant le krach immobilier, note la poursuite, déposée en janvier.

Barbara Bouchey, qui s’occupait des finances de NXIVM jusqu’à l’an dernier, affirme que Raniere utilise son influence sur les soeurs Bronfman pour «financer ses problèmes de spéculation compulsive».

«Les soeurs ne connaissent rien à l’immobilier, affirme-t-elle dans la déposition. Elles ne connaissent rien aux investissements financiers.»

Sara et Clare Bronfman sont les filles du milliardaire Edgar Bronfman, et les demi-soeurs d’Edgar Bronfman Jr, président de la multinationale Warner Music. Il y a quelques années, Edgar Bronfman avait lui aussi retenu les services de Raniere, un homme charismatique qui propose ses services de croissance personnelle, notamment à des célébrités et à des gens d’affaires. Mais M. Bronfman a rompu les liens, et a qualifié le groupe de «secte».

En 2006, le magazine Fortune a révélé que Sara Bronfman avait acheté un appartement à New York, dans la tour Trump dominant Central Park, pour 6,45 millions US. Selon le magazine, l’appartement est utilisé par les dirigeants de NXIVM, qui se déplacent aussi à bord du jet privé des soeurs Bronfman.

Dans son blogue, Clare Bronfman écrit que Keith Raniere est «[son] professeur et [son] meilleur ami».

«Ma vie est si profondément différente aujourd’hui que les mots ne peuvent décrire ma gratitude envers lui. Son dévouement pour le bien-être des autres et pour l’humanité est remarquable.» Mme Bronfman dit participer au financement du groupe. «Par l’entremise de nos fondations, ma soeur et moi espérons transformer les injustices qui existent dans le monde, et diffuser la vérité au sujet de Keith Raniere (…), victime d’injustices terribles.»

Joint hier à son bureau de Los Angeles, l’avocat des soeurs Bronfman, Robert D. Crockett, a signalé qu’il ne ferait aucun commentaire sur le dossier.

«Le procès aura lieu en mars, c’est tout ce que je peux dire.»

Dans une entrevue au Times Union, un journal d’Albany, M. Crockett a confirmé que les soeurs Bronfman avaient perdu d’importantes sommes d’argent dans l’immobilier. Il a dit que ses clientes avaient dépensé leur argent de leur plein gré, et que M. Raniere avait agi en tant que conseiller.