La mort en début de semaine à Kadiolo (environ 500 km au sud de Bamako) de quatre Pieds-Nus tués par les forces de sécurité met de nouveau en lumière cette secte opposée à toute forme de
modernisme.
Apparus au Mali dans les années 1980, les Pieds-Nus étaient très peu nombreux. Les observateurs avaient dans un premier temps pensé qu’il s’agissait d’une mode, notamment à cause de leur coiffure "à la Bob Marley". "Franchement, quand nous avons observé la première fois ces +Pieds-Nus+, nous avons pensé à un épiphénomène", se souvient un commissaire de police
aujourd’hui à la retraite.

 Mais très vite, leur "anti-modernisme primaire" a attiré l’attention des autorités sur l’extrémisme de ce groupe qui s’est révélé être une secte, explique de son côté Zhao Hamed Bamba, journaliste indépendant résidant dans le sud du Mali.

 D’après plusieurs sources, leur "gourou" est un étudiant "islamisé" originaire du Nigeria. Avec deux ou trois amis, il s’est installé dans la région de Bougouni (15O km au sud de Bamako) où il a commencé à convertir des "fidèles". Ils seraient plusieurs centaines au Mali.

 Tout modernisme est proscrit, comme le port de chaussures et de montres et les soins à l’hôpital, la "bible" des Pieds-Nus préconise des soins naturels à base de plantes. "Vous savez, les +Pieds-Nus+ sont terribles. S’ils doivent traverser une route bitumée, par exemple, ils mettent sur le goudron une cotonnade, pour que leurs pieds ne touchent pas le modernisme", raconte M. Bamba. Ils refusent également de boire de l’eau dans une bouteille, préférant une calebasse et préparent leurs repas dans des canaris (vase en terre cuite), ajoute-t-il.

Selon ces sources, les membres de la secte ne portent pas de nom de famille. Persuadés de descendre directement de Dieu, ils renient père, mère et famille pour "marquer leur nouvelle existence".
Pour survivre, ils travaillent dans des champs en échange de nourriture et, selon des témoins locaux, leurs épouses vivent en vase clos, loin des regards indiscrets. "La femme chez eux n’existe pas. Elle doit se contenter de faire des enfants et de se taire. Elle accouche dans la case, pour éviter d’être exposée au regard d’un autre homme", commente un conseiller municipal de Kadiola, localité du sud-malien abritant nombre d’entre eux.

Selon lui, "ils se revendiquent de l’islam, mais c’est faux, ce sont des marginaux".Réputés radicaux voire violents, les membres de cette secte ont déjà fait parler d’eux dans plusieurs régions. En 1998, ils ont assassiné le juge de paix de Dioila (environ 150 km à l’est de Bamako) qui s’apprêtait à juger des membres de la secte pour différents délits.Le tollé soulevé par l’affaire avait entraîné l’arrestation musclée de plusieurs "Pieds-Nus" et leur condamnation en 2000 à de lourdes peines de prison.

 Devenus impopulaires dans cette province, ils sont descendus plus au sud, dans la région de Sikasso, qui jouxte le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, et la Guinée.A Yorosso (sud), ils ont refusé de faire vacciner leurs enfants et le juge de paix local a condamné plusieurs d’entre eux, notamment pour "rébellion contre l’autorité".

 La semaine dernière, en s’opposant à une campagne de vaccination contre la poliomyélite à Kadiolo, quatre membres de la secte ont été tués et plusieurs blessés.Selon un responsable local de la police qui a requis l’anonymat, les "Pieds-Nus" ont presque tous pris la fuite depuis.

 "Ce sont des gens très têtus. Ils sont partis au Burkina Faso. Mais ils vont revenir par petits groupes à Kadiolo", a-t-il prédit.
  

sd-ag/aub 

Par Serge DANIEL
KADIOLO (Mali), 24 sept (AFP)