BOMBAY (AP) – Un documentaire met en lumière une secte peu connue en Inde, dont les membres, des ascètes hindous, consomment apparemment de la chair humaine afin de gagner l’immortalité ainsi que des pouvoirs surnaturels.

Intitulé "Se nourrir des morts", le court métrage de dix minutes explore l’univers mystérieux de la secte aghorie, vieille d’un millénaire, dont les sadhus, ou hommes saints, se fourniraient en cadavres dans le Gange, fleuve sacré de l’hindouisme, dans le Nord du pays.

La petite communauté cultive – le secret. Le réalisateur Sandeep Singh a expliqué à l’agence Associated Press (AP) qu’il lui avait fallu plus de trois mois d’efforts pour gagner la confiance d’un sadhu aghori et le convaincre de se laisser filmer lors d’un rituel de cannibalisme.

"Lorsque l’avons rencontré pour la première fois, il a déclaré: ‘Balivernes, nous ne faisons pas ça.’ Il a fallu des mois avant qu’il reconnaisse les rituels." Les sadhus aghoris restent 12 ans dans la
secte et peuvent ensuite retourner dans leur famille. On en compte environ 70 en permanence dans le groupe, précise Sandeep Singh. Les Aghoris consomment également de l’alcool, contrairement aux autres ascètes hindous, qui sont pour la plupart végétariens et évitent toute boisson enivrante. Mais c’est leur consommation de chair humaine, pratique interdite en Inde et dont l’origine est un mystère, qui leur vaut d’être condamnés par les autres hindous.

La plupart vivent à proximité de crématoriums dans la ville sainte de Bénarès où le documentaire a été tourné. Durant la réalisation du film, M. Singh et trois caméramans ont attendu avec un sadhu aghori pendant dix jours avant que celui-ci ne trouve un cadavre flottant dans les eaux du Gange. En général, les hindous incinèrent les morts mais ils abandonnent parfois des corps dans le fleuve en vertu d’un autre rituel.

"Le corps était décomposé et de couleur bleuâtre mais le sadhu n’avait pas peur de tomber malade", souligne M. Singh. "Il s’est assis sur le cadavre, a prié une déesse des crématoriums et lui a fait une offrande de chair avant de manger."

M. Singh raconte que le sadhu a mangé une partie du coude, convaincu que cette "nourriture" l’empêcherait de vieillir et lui donnerait des pouvoirs surnaturels, comme la capacité de léviter ou de contrôler la météo. Le réalisateur, qui n’a vu aucune trace de ces pouvoirs, compte poursuivre ses recherches sur la secte en filmant des ascètes à différentes périodes de leur séjour de 12 ans chez les Aghoris. "C’est une vie fascinante et je veux en savoir plus", explique-t-il. Selon M. Singh, le documentaire, qui a coûté 350.000 roupies (6.500 euros), sera projeté au Festival asiatique des premiers films à Singapour fin novembre. On avait déjà écrit sur la secte, mais ses rituels avaient rarement été filmés par le passé.

© La Presse Canadienne, 2005