Le satanisme, souvent lié au néonazisme, qui séduirait plusieurs milliers de jeunes, surtout dans les classes moyennes ou aisées, selon un universitaire spécialiste des sectes, Jacky Cordonnier, inquiète la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Milivudes).

une adepte du satanisme jugée pour meurtre en Allemagne, en 2002
© AFP/DPA/Archives Peter Tshauner

"Aujourd’hui érigé en phénomène de mode et filon commercial, le romantisme noir dont les adeptes du diable représentent la frange extrême et la plus subversive devient plus qu’une simple +tendance+, un emblème de génération", relève-t-on à la Miviludes dont le rapport annuel évoquera en mars le phénomène.

Si le mouvement gothique, libertaire et esthétisant, diffère du satanisme, il en reste "l’une des portes d’entrée privilégiées", souligne la mission. "Sur internet, le satanisme tisse sa toile": les jeunes sont attirés, via des entrées anodines, vers le commerce de la magie, des groupes sectaires, l’industrie pornographique ou surtout les organisations néonazies.

"C’est sans conteste la récupération politique via des groupuscules extrémistes inspirés par l’idéologie néonazie qui semble le cas de figure le plus fréquent quand on s’intéresse d’un peu plus près au vrai visage des satanistes", indique-t-elle.

L’inflation des profanations de cimetières et des faits divers troublants dont des suicides de jeunes ou le meurtre d’un curé alsacien en 1996 ont sonné l’alerte.

"Il y a une accélération depuis cinq ans", pense Jacky Cordonnier, universitaire spécialisé sur les sectes depuis 25 ans. Il a vu se développer un mouvement fort différent du satanisme d’autrefois et son folklore de croix renversées.

Jacky Cordonnier comme Paul Ariès, qui vient de publier "Satanisme et vampyrisme, le livre noir" (Editions Golias), repèrent des signes montrant des liens avec le néonazisme.

Le signe du bouc (auriculaire et majeur dressés) voisine avec le salut nazi (pouce, index, majeur dressés pour "IIIe Reich") dans certains concerts. Un groupe de rock s’intitule "Rahowa", acronyme anglais de "guerre sainte raciale".

Dans des cimetières profanés, l’inscription "14-18" évoque en fait "les 14 mots" de l’américain David Lane ("Nous devons sécuriser l’existence de notre peuple et le futur des enfants blancs") et "Adolf Hitler" (1 et 8 selon la place des initiales dans l’alphabet).

Des mouvements s’installent depuis les années 1970, appuyés sur des réseaux d’extrême-droite et l’ancien mouvement skinhead.

Tout vient des Etats-Unis, où l’Eglise de Satan est fondée en 1966 –le 30 avril, date de la mort d’Hitler– par Anton LaVey (1930-1997), auteur de la "Bible satanique" et conseiller sur le film "Rosemary’s Baby" de Roman Polanski. Michael Aquino, officier des Marines, scissionera en 1995, en fondant le Temple de Seth.

"Les jeunes sont chassés comme du gibier, c’est extrêmement organisé depuis les Etats-Unis, par l’internet, la musique, la presse", assure M. Cordonnier. "L’idéologie derrière, c’est d’arriver à une société où l’homme a pu se libérer de tous ses tabous et peurs et où les faibles seront éliminés".

Selon lui, la France, la plus touchée en Europe après l’Italie où vient de commencer le procès pour meurtres de huit satanistes.

"LaVey a eu l’idée d’utiliser l’occultisme pour passer en contrebande des valeurs inacceptables", observe de son côté M. Ariès. "Un jeune ne peut se dire néo-nazi mais peut se dire sataniste ou vampiriste, mieux: vampyriste avec un +y+".

En France, il a recensé une cinquantaine de groupes, dont l’Ordre des Neuf Angles et son rituel de messe noire autour d’un original de "Mein Kampf".