La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) appelle à une attention accrue. Depuis le début du confinement, certains groupes considérés comme « déviants » profitent de la situation pour étendre leur influence.

Le 26 avril dernier, la Préfecture de Saône-et-Loire prévenait que « des faits de prosélytisme par téléphone » avaient été signalés. Elle ajoutait : « ce prosélytisme peut se faire aussi par courriel ou par courrier manuscrit déposé directement dans les boîtes aux lettres ». La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) ainsi que les associations de prévention et de lutte contre les dérives, alertent et demandent de « maintenir le contact avec les personnes isolées et les plus fragiles (…) pour les inciter avec bienveillance à suivre seulement les recommandations officielles des autorités sanitaires ».

“Ils prétendaient guérir des maladies… incurables”

Paradoxalement, l’association Cercle laïque contre le sectarisme déclare n’avoir reçu que très peu d’appels depuis le début de la crise sanitaire. « On est confinés, les groupes déviants le sont donc aussi. » Ils sont moins présents physiquement, « sur le terrain », à tracter par exemple dans la rue ou à faire du porte-à-porte. Mais pas forcément moins actifs. Ils trouvent aujourd’hui de nouveaux canaux de communication pour s’adresser à leurs « fidèles » ou pour recruter. « Certains reçoivent par exemple des courriers, ou des messages sur les réseaux sociaux ».

Pour l’association Cercle laïque contre le sectarisme, un groupe est particulièrement actif depuis le début du confinement : La Porte Ouverte Chrétienne. Cette église évangélique est à l’origine du rassemblement d’environ 2 000 personnes à Mulhouse, en février dernier. Selon plusieurs spécialistes, ce rassemblement serait le point de départ de l’épidémie de coronavirus Covid-19, en France. Au moment du rassemblement, le pays était en phase 1. Les rassemblements étant encore autorisés, La Porte Ouverte Chrétienne a pu organisé les rencontres.

Le pasteur Thiebault Geyer, de l’église évangélique, dans une vidéo que nous avons pu consulter en ligne, a depuis demandé « pardon » pour son « égoïsme ». Il complète : “Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. Nous sommes chacun eloignés, mais nous voulons nous accorder (…) d’un même coeur pour chercher Dieu. En ce moment-même, de nos frères et de nos soeurs, sont à l’hôpital, dans des souffrances terribles, et nous voulons nous accorder pour eux. Et nous voulons nous accorder pour chercher Dieu (…) pour que ce soir, le temps de louanges soit un temps de louanges qui ouvrent le ciel.

La Porte Ouverte Chrétienne a réuni des paroissiens que les associations ne pensaient pas en lien avec l’église évangélique. Les associations sont vigilantes car longtemps d’ailleurs, La Porte Ouverte Chrétienne a prétendu pouvoir guérir les maladies par la prière et les intentions divinesCercle laïque contre le sectarisme ajoute que, bien-avant le Covid-19, « La Porte Ouverte Chrétienne avait des témoignages de guérison qui pouvaient aller assez loin… Notamment, jusqu’à des maladies incurables. »

Des prophètes qui prétendent avoir les réponses

​​​​​Mais comment peut-on rentrer dans le jeu de ces groupes ? « On vit une période très anxiogène » affirme le psychiatre dijonnais Clément Guillet. « La crise sanitaire que nous traversons nous questionne beaucoup. Elle interroge notre rapport à la mort et plus généralement, elle soulève des angoisses existentielles ».
Cette recrudescence anxieuse est donc propice aux approches des groupes sectaires. « Ces gens essaient d’apporter des réponses aux angoisses de chacun. Ils profitent de la situation. » Certains peuvent être avides d’explications, en quête de réponses en cette période incertaine, et « c’est un appel d’air pour les dits-prophètes ou gourous ».

L’isolement comme facteur d’embrigadement

Il y a ceux qui sont déjà fragiles psychologiquement, qui sont donc davantage surveillés par le corps médical. Mais il y a tous les autres, qui n’avaient pas forcément de signes précurseurs et qui, aujourd’hui, se retrouvent isolés. « L’isolement psychologique et géographique facilite les discours sectaires ». Ne plus pouvoir se déplacer, à cause des mesures de confinement, peut entraîner aussi une forme d’angoisse existentielle. « Pour se prémunir, il est essentiel de garder un lien fort avec ceux qui comptent. » Amis, familles, collègues, voisins… Conserver un contact n’a jamais été aussi important.

Nous le disions, l’épidémie que nous traversons soulève un tas d’interrogations… et engendre parfois un manque de confiance. Est-ce que certains se tournent vers de « belles paroles » parce qu’ils n’ont plus confiance en la médecine traditionnelle ? « Il faut dire à tous ces gens que la médecine fait tout son possible. Elle lutte contre le coronavirus mais il n’y a pas de miracle possible. » Clément Guillet alerte quand aux tentations de se tourner vers des médecines parallèles. « On peut évidemment se tourner vers ces nouvelles pratiques. On peut alterner les deux. Mais attention, là aussi il n’y a pas de remède miracle. Et surtout pas de discours plus savant qu’un autre. »

source :https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/coronavirus-risques-derives-sectaires-confinement-1822112.html

Franceinfo

Par Antoine Marquet

le 29/04/2020

 

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