Monique David, 46 ans, ressemble à n’importe quelle autre femme d’affaires. Bien coiffée, maquillage impeccable, veston coupé à la dernière mode, le BlackBerry jamais loin. Rien à voir avec Silas, ce
moine ombrageux membre de l’organisation conservatrice catholique décrite comme une secte assoiffée de pouvoir dans le best-seller Da Vinci Code.

Toutefois, comme Silas, elle se flagelle et porte un cilice- ceinture de crin ou d’étoffe rude et piquante, portée par pénitence. La directrice du conseil des femmes de l’Opus Dei au Canada souligne que la
comparaison s’arrête là.

Pour répondre aux « mensonges » de l’adaptation cinématographique du livre attendue le 19 mai, l’Opus Dei a ouvert un « Bureau de presse canadien à Montréal », rue Sherbrooke, en face de l’Université McGill. À la fin mars, l’organisation a envoyé une lettre adressée personnellement
aux journalistes québécois qui ont déjà couvert le sujet pour leur enannoncer l’ouverture.

Ce bureau pourrait être une bonne chose, bien que l’organisation ne dévoilera jamais tous ses secrets, selon le professeur de sociologie de l’Université de Montréal, Jean-Guy Vaillancourt. Ce dernier a fait des recherches sur l’Opus Dei. « Il y a des exagérations faites sur cette
organisation à cause de sa façon secrète de fonctionner. Dans certaines régions du monde, ce sont des intégristes d’extrême droite. Mais ici, ce sont plutôt des conservateurs », indique-t-il.

Le mouvement laïque fondé en 1928 en Espagne sous la dictature de Franco ne vient pas de s’implanter à Montréal. Il y compte des membres « numéraires » (célibataires) et « surnuméraires » (mariés ou qui en ont l’intention) depuis 1979. Ils sont aujourd’hui 587 au Canada dont 220 au
Québec, principalement dans la métropole. Les « coopérateurs », ceux qui appuient le mouvement sans nécessairement en respecter les règles, sont beaucoup plus nombreux. Ils sont 1640 dans l’ensemble du pays.

« Ils ont blanchi mon âme »

L’ancienne conseillère municipale de Montréal, Louise O’Sullivan, est une « coopératrice ». Être membre serait « trop difficile pour sa vie professionnelle », dit la fondatrice d’une firme de gestion de
personnel. Elle se consacre à temps plein à son entreprise depuis sa défaite comme candidate conservatrice aux dernières élections fédérales.

C’est que les membres, comme son amie Monique David, vont à la messe chaque jour. En général, ils portent aussi le cilice deux heures par jour et se flagellent « le temps d’un Je vous salue Marie » une fois par semaine. Une fois par année, ils participent à une retraite de trois à cinq jours à Coteau-du-Lac. « J’y suis allée une journée et ils ont blanchi mon âme », raconte Mme O’Sullivan.

Juste après avoir lu Da Vinci Code en 2003, Mme O’Sullivan rencontre Monique David. La maison de cette dernière, située dans l’arrondissement de la conseillère municipale, vient d’être inondée. La politicienne lui rend visite. La sinistrée prend alors le temps de lui expliquer que le livre n’est qu’un « bon thriller qui n’a rien à voir avec la réalité de l’Opus Dei ».

Mme O’Sullivan est séduite par le mouvement qui lui fait « redécouvrir ses racines catholiques ». Et elle se rend compte qu’elle n’est pas la seule. D’autres gens d’affaires en font partie, dont certains qui
fréquentent le club privé très sélect Mont-Royal.

La liste des quelque 80 000 membres dans le monde est secrète. Monique David insiste, toutefois, pour dire que l’Opus Dei est ouvert à tous. « Nos membres sont le reflet de la société, la majorité sont dans la classe moyenne. »

UN MOUVEMENT SECRET ET RICHE

Au Canada, l’Opus Dei possède 17 centres, dont neuf au Québec. Le mouvement controversé lié à l’Église catholique recueille les dons par l’entremise d’une fondation et d’une association. Les membres numéraires leur versent en moyenne 20% de leur salaire. Selon sa déclaration de
revenus 2004, la Fondation pour la culture et l’éducation possède des immobilisations d’une valeur d’un peu plus de 14 millions. À Montréal, l’Opus Dei dirige, entre autres, deux résidences universitaires. La Fondation a déclaré des revenus de 3 millions et des dépenses de près de
2 millions.