Véronique Duborgel a été membre de cette institution catholique très conservatrice pendant treize ans .

Mère de neuf enfants (la dernière a 9 ans), Véronique Duborgel, 44 ans, a été membre de l’Opus Dei (NDLR. « OEuvre de Dieu ») de 1983 à 1996.

Après une longue procédure de divorce (son mari était aussi engagé dans la même organisation), cette mère de famille strasbourgeoise, aujourd’hui assistante maternelle, raconte, dans un livre qui vient de paraître*, « l’enfer » qu’elle y a vécu.

Inédit, ce témoignage sur les coulisses de l’Opus Dei jette une lumière crue sur les pratiques de cette institution catholique très conservatrice, régulièrement présentée comme une société secrète à l’influence occulte, dont beaucoup de gens ont décou-
vert l’existence grâce au livre et au film « Da Vinci Code »…

A quelles obligations étiez-vous soumise en tant que membre de l’Opus Dei ?

Veronique Duborgel. Outre la messe quotidienne et le chapelet, je devais prier et méditer quarante minutes chaque jour. Chaque semaine, je participais au cercle, un enseignement d’une heure environ sur les vertus chrétiennes, qui se terminait par
les prières et une confession. Tous les quinze jours, j’avais un entretien avec
ma directrice spirituelle, avec qui je parlais aussi bien de ma vie spirituelle que de l’intimité de mon couple.

Une fois, elle ma m’me demandé d’aller me renseigner auprès d’une autre membre qui, bien que mariée depuis dix-huit mois, n’avait pas d’enfant, pour savoir si elle avait recours à la contraception, considérée comme un péché mortel par les Opusiens.

Evidemment, je n’en ai rien fait ! Quand j’ai dit à ma directrice spirituelle que mon mari me battait, elle ma répondu : « C’est ta croix ! » Je me souviens aussi de sa formule : « Soyez un foyer lumineux et joyeux ! » Il m’a été demandé de porter des jupes ou des robes, car le pantalon est considéré comme provocant et anti féminin

On m’a aussi reproché de croiser les jambes à la messe.

Avez-vous pratique les mortifications corporelles que s’infligeraient les membres de l’Opus Dei : jeune, flagellation, port du cilice (bracelet hérissé de pointes serré autour de la cuisse)… ?

Personnellement non et je ne sais pas si les surnuméraires (voir repères) le font. Simplement, je ne devais pas prendre de goûter le samedi. En revanche, mon mari et moi donnions chaque mois l’équivalent de 400€ par virement bancaire à un centre
culturel X, qui était en fait un centre de l’oeuvre. Sans compter les contributions plus élevées pour Noël. Moi, je trouvais aberrant de faire un tel sacrifice car nous n’étions pas riches.

On nous disait de considérer l’Opus Dei comme un enfant supplémentaire à charge.Mais l’œuvre m’est revenue beaucoup plus cher que tous mes enfants réunis.
Pourquoi ‘tes-vous restée treize ans a l’Opus Dei ?

J’avais un engagement moral que je renouvelais chaque année en mars.

Moi, j’ai eu des doutes très vite.Mais mon mari, qui était professeur à l’université de Lausanne (Suisse), ne voulait pas que j’en sorte. Chaque année, lorsque je faisais part de mes doutes à ma directrice spirituelle, c’était le même refrain : « C’est Satan qui veut te posséder. » Finalement, en 1996, je n’ai pas renouvelé mon engagement.
Ils m’ont relancée.

La directrice nationale de Paris est spécialement venue à Strasbourg : pendant l’entretien qui a duré trois heures, elle essayait de me faire dire pourquoi je quittais
l’oeuvre.

L’Opus- Dei qualifie votre ouvrage de témoignage d’une « femme en souffrance ».
Qu’en pensez-vous ?

Je ne suis pas souffrante du tout. La souffrance, c’est lorsque j’étais dans l’Opus Dei. Bien sûr, j’ai des séquelles, on ne sort pas indemne de l’oeuvre. Aujourd’hui, je pense que ce sont des chrétiens de façade. Quand j’ai eu un cancer du sein, une amie a demandé si elle pouvait prier pour moi à la directrice du centre de
Strasbourg. Celle-ci lui a répondu : « Non, on ne prie pas pour elle. Elle est sortie
de l’oeuvre. » Ça m’a fait un choc. Ce n’est pas très chrétien !

Propos recueillis par Philippe Baverel
• « Dans l’enfer de l’Opus Dei »,

L’OEuvre n’engagera pas de poursuites

Veronique Duborgel est une « femme en souffrance ». Telle est la réaction de l’Opus Dei à la publication du témoignage de son ex-membre. « Nous compatissons à la souffrance exprimée dans cet ouvrage.

Ça nous fait beaucoup de peine. Cette femme n’a pas été suffisamment entendue », déclare Béatrice de la Coste, porte-parole de l’oeuvre et professeur de français dans un collège parisien.

Dans un communiqué publié le jour même de la sortie du livre, l’organisation affirme : « L’accompagnement spirituel est fondé sur la confiance, la compréhension mutuelle et le respect délicat de la liberté de chacun. C’est pourquoi il se limite à des conseils de vie chrétienne et évite radicalement de se transformer en consultation thérapeutique, en médiation conjugale. »

L’Opus Dei précise qu’il n’engagera « en aucune façon » de poursuites contre ce livre et son auteur. « Nous n’allons pas attaquer quelqu’un qui souffre », assure Béatrice de la Coste. Ph.B.
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L’Opus Dei a été fondé en 1928 par le prêtre espagnol José Maria Escrivá de Balaguer (mort en 1975 et canonisé en un temps record en 2002 par Jean-Paul II).

L’organisation regroupe 85 000 membres dont 35 000 en Espagne, 1 000 en France, majoritairement issus de milieux privilégiés. Elle se donne pour mission de « réconcilier le monde avec Dieu ».
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Ses membres appartiennent a deux catégories. Les surnuméraires constituent les trois quarts des troupes. Comme Véronique, ils peuvent se marier et mènent une vie professionnelle normale.

Les numéraires représentent le reste des effectifs. Célibataires, ils ont fait voeu de pauvreté, chasteté et obéissance et vivent en communauté dans des foyers