Nathalie Luca a quitté le conseil d’orientation de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Spécialiste des sectes, chargée de recherche au Centre d’études interdisciplinaires des faits religieux de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris, elle explique dans sa lettre de démission, datée du 16 novembre, qu’elle refuse d’être liée "à un prévisible durcissement de la position de la Miviludes".

Nathalie Luca a reçu le soutien de Danièle Hervieu-Léger, présidente de l’EHESS. Un accord de coopération entre la Miviludes et l’école a été suspendu.

La politique du nouveau président de la mission est mise en cause. Ancien secrétaire général de la Commission consultative du secret de la défense nationale, Jean-Michel Roulet a pris la succession de Jean Langlais, le 1er octobre. Ce dernier avait accompagné la transformation de l’ancienne Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS) en Miviludes, l’accent étant mis désormais sur les "dérives sectaires". Ce changement marquait une volonté de rupture avec la logique consistant à dresser des listes de sectes, qui avait prévalu dans le rapport parlementaire de 1995.

Dans sa lettre au président de la Miviludes, Mme Luca constate que "le président Langlais avait réussi, par sa tempérance, à restaurer le dialogue et le débat nécessaires à la gestion équilibrée mais efficace de ces questions délicates, suscitant trop souvent passion et excès. Il était également parvenu à mieux faire comprendre, à l’étranger, la position française".

De fait, la gestion du phénomène sectaire par le gouvernement français est régulièrement épinglée dans les enceintes internationales comme portant atteinte aux libertés. Or, la rapporteuse spéciale sur la liberté religieuse de la Commission des droits de l’homme des Nations unies, Asma Jahangir, en visite en France en septembre, s’était félicitée de l’approche "plus équilibrée" mise en oeuvre par la Miviludes (Le Monde du 30 septembre).

Nathalie Luca était la seule universitaire spécialiste des nouveaux mouvements religieux au sein du conseil d’orientation de la Miviludes. Son départ renforce le poids des autres membres du conseil, en particulier des députés Jean-Pierre Brard (app. communiste) et Georges Fenech (UMP), et des représentants des associations de défense des victimes (Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu, Centre contre les manipulations mentales).

Jean-Michel Roulet admet un infléchissement de la politique de la Miviludes. "La Miviludes n’est pas un laboratoire de recherche, insiste-t-il. Il y a eu des dérives au cours des six derniers mois. Les parlementaires se plaignaient, les associations de défense des victimes aussi. La Miviludes va faire à nouveau son travail. Elle va remplir l’ensemble des missions que le décret de création lui a assignées."

Xavier Ternisien
Article paru dans l’édition du 20.12.05