Avec les rassemblements d’été des Témoins de Jéhovah, le débat est relancé sur les accusations de dérives sectaires envers cette organisation après des déclarations du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy.

Les Témoins de Jéhovah ont loué le stade de Lens (Pas-de-Calais) le week-end prochain, suscitant la colère des anti-sectes. Le maire socialiste, Guy Delcourt, a demandé à M. Sarkozy de se montrer aussi ferme avec les sectes qu’avec les immigrés.

"Les Témoins de Jéhovah sont une association cultuelle reconnue expressément par le Conseil d’Etat et qui bénéficie à ce titre de la liberté de réunion", a rétorqué le ministre mardi sur Europe 1, ajoutant qu’il pouvait avoir "à titre personnel beaucoup de réserves" sur les Témoins de Jéhovah.

"Il faut savoir si le parti socialiste défend les libertés ou pas", a poursuivi le président de l’UMP, ironisant: "lorsqu’il s’agit d’étrangers clandestinement en France et sans papiers, ils appellent à ne pas respecter la loi et lorsqu’il s’agit d’associations cultuelles reconnues par le Conseil d’Etat ils me demandent d’interdire la réunion!".

Sarkozy "a cru devoir dédouaner l’organisation des Témoins de Jéhovah de ses actes délictueux", accuse le député de Seine-Saint-Denis Jean-Pierre Brard (app PC), soulignant que le Conseil d’Etat s’était prononcé sur la seule forme juridique dans un contentieux fiscal. "Nos concitoyens attendent du ministre de l’Intérieur qu’il protège leurs libertés individuelles et collectives contre ceux qui les violent".

Il rappelle la dénonciation par l’Académie de médecine des pressions exercées pour refuser toute transfusion sanguine, la condamnation en 2004 par la cour de cassation à 45 millions d’euros de redressement fiscal avec pénalités et les douze ans de prison infligés en 2005 en Gironde à un ex-adepte pour le viol de sa fille mineure. Elle avait fini par porter plainte, le Conseil des Anciens de l’organisation avait exclu le coupable sans le dénoncer.

Le président de la nouvelle commission d’enquête parlementaire sur les sectes Georges Fenech (UMP, Rhône) dénonce "les dangers" de l’organisation, "mis en lumière" lors des premières auditions et dans des jugements "en matière de divorce et de droit de garde des enfants".

"Les pouvoirs publics doivent rester extrêmement vigilants à l’égard de certaines pratiques qui portent atteinte aux droits de l’enfant définis par la Convention de New York dont la France est signataire", déclare M. Fenech à l’AFP.

Les Témoins de Jéhovah, qui célèbrent le centenaire de leur implantation en France (250.000 adeptes), avaient été placés en 1995 sur une liste de sectes parlementaire. Dix ans après, ils ont obtenu l’accès aux documents utilisés et estimé que "les Témoins de Jéhovah n’auraient jamais dû figurer sur la liste des sectes", se plaignant "d’une longue série de traitements injustes et discriminatoires".

"En France, il y a une totale liberté de religion, de pensée, de conscience et d’association: à ce titre les Témoins de Jéhovah ne font rien d’illégal", déclare à l’AFP Jean-Michel Roulet, président de la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires).

"Mais il y a un certain nombre de dérives sectaires dans cette organisation", ajoute-t-il: refus des transfusions, exigences financières, prosélytisme, message apocalyptique, rejet du vote et de la justice humaine pour certains crimes, éducation "qui ne développe pas l’esprit critique".
Source : La Croix