Avis du Centre d’Information et d’Avis sur les Organisations Sectaires Nuisibles (CIAOSN) concernant Sahaja Yoga.

Vu la demande d’avis urgent du 09/11/2004, adressée au Centre par la ville de Gand par l’intermédiaire de l’échevin des Affaires sociales, concernant l’organisation Sahaja Yoga,

Se basant sur les informations recueillies
– dans le cadre de notre propre enquête,
– et lors d’un entretien, le 10 janvier 2005, avec trois membres de l’organisation désignés comme représentants de Sahaja Yoga Belgique par le président de l’asbl Sahaja Yoga Belgique,
le Centre est en mesure de formuler ce qui suit :

· Présentation de Sahaja Yoga

Sahaja Yoga est une technique de méditation enseignée par Madame Nirmala Devi, appelée "Shri Mataji" (sainte mère) of "Adi Shakti" (mère primordiale) par ses adeptes. Elle est née en 1923 à Chindwara, en Inde, et a grandi dans un milieu chrétien (protestant)(1) prospère(2) . Tout comme pour d’autres figures spirituelles indiennes, toutes sortes de miracles se seraient produits dans son enfance. Elle commença des études en médecine mais ne les aurait pas terminées(3). Enfant, elle passa beaucoup de temps dans l’ashram du Mahatma Gandhi. Dans les années 1960, elle serait allée en apprentissage chez un certain nombre de gourous, dont Rajneesh (Osho), après quoi elle aurait atteint la réalisation du Soi le 5 mai 1970 lors d’une puja à Nargol(4). Peu de temps après cet évènement, dans le cadre des activités professionnelles de son époux, elle partit s’installer avec sa famille en Angleterre, où Sahaja Yoga commença à se développer en tant qu’organisation(5).

· En ce qui concerne le recrutement

Sahaja Yoga(6) se présente au public et aux candidats éventuels de manière trompeuse. L’organisation prétend qu’elle n’est pas une religion dogmatique et organisée et qu’elle ne demande pas d’acte de foi(7) . Sahaja Yoga se présente comme étant une pratique de Yoga, de méditation, et cette expérience aide l’homme à relaxer et à atteindre la ‘réalisation du Soi’. En fait, il s’agit d’un culte syncrétique essentiellement basé sur la tradition hindoue et intégrant des éléments issus d’autres religions. Les pratiques et rituels spécifiques ont pour objectif d’amener progressivement le candidat à reconnaître le statut divin de Nirmala Devi et à vouer une entière dévotion à sa personne(8). Nirmala Devi conseille à ses adeptes de ne pas dévoiler tout de suite aux nouveaux venus la nature véritable de l’organisation, mais de les y introduire graduellement(9). Se présenter de la sorte est trompeur lorsque cela s’adresse à un public non informé, en particulier des jeunes. A noter en outre que le Yoga, comme toute technique susceptible d’entraîner un état modifié de conscience, ne devrait être pratiqué qu’après avoir vérifié au préalable la compétence et l’intégrité des personnes qui enseignent la pratique du Yoga, et aussi l’objectif final de ces pratiques.

· En ce qui concerne la pression du groupe à laquelle sont exposés les membres et sympathisants de Sahaja Yoga

La pression du groupe, ou processus de socialisation au sein de l’organisation, est fonction de plusieurs facteurs, tels que la situation géographique, la position de l’adepte à l’intérieur de l’organisation ou le degré de son engagement (à plein-temps ou non, habitant d’un ashram ou non). Certains restent à la périphérie de l’organisation. Ils se contentent de la méditation quotidienne, qui ne représente pour eux rien de plus qu’une technique de relaxation. Ils ne s’engagent pas plus loin.
Certains membres, par contre, s’engagent quant à eux pleinement au point de considérer les paroles de Shri Mataji, la "divine Mère" comme la vérité absolue(10) et de s’y conformer complètement. L’organisation repose sur une relation d’autorité directe et absolue avec Nirmala Devi (sa fondatrice). Ses paroles et ses écrits ont valeur de vérité absolue. Selon leurs dires, cette vérité peut être ressentie directement via la pratique de Sahaja Yoga, ne donc pas être crue ni être prouvée scientifiquement.
Un tel état d’esprit comporte des risques, notamment sur le plan de l’éducation des enfants et de la liberté de mariage.

· En ce qui concerne les mariages au sein de Sahaja Yoga

La procédure préconisée au sein du groupe veut que le/la partenaire de mariage soit choisi(e) par la fondatrice, mais certains membres estiment qu’il s’agit d’un libre choix. Lorsque la personne candidate au mariage s’adresse au responsable de l’organisation en Belgique, le dossier est transmis à la fondatrice. Dans ce cas, le choix du ou de la partenaire n’est pas effectué par l’intéressé(e). Généralement, le mariage se déroule à l’étranger, surtout en Inde, selon les rites de l’organisation et avant que le mariage civil soit contracté en Belgique.

· En ce qui concerne les enfants au sein de Sahaja Yoga

Les parents sont encouragés à placer leurs enfants dès leur plus jeune âge dans un internat de l’organisation, à Rome pour l’école maternelle (à partir de 4 ans), en Inde pour la formation scolaire primaire et secondaire (à partir de 6 ans). En effet, l’intégration dans le groupe doit prendre le pas sur tout lien naturel(11) .
La séparation, tant géographique qu’émotionnelle, des jeunes enfants d’avec leurs parents pour de longues périodes ininterrompues (à Rome, deux fois trois mois par an ; en Inde, jusqu’à neuf mois par an) place ces enfants dans une situation à risques sur le plan de leur développement personnel.
Les enfants se retrouvent dans un environnement coupé des normes et valeurs de la société et la formation scolaire qu’ils suivent n’est pas automatiquement reconnue en Belgique.
La distance et l’isolement de l’école ne facilitent pas l’obtention d’informations concrètes et fiables concernant la qualité de la formation scolaire dispensée en Inde et les conditions de séjour qui y prévalent réellement.
Les jugements contradictoires rendus par des tribunaux de France(12) , d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse(13) et de Belgique(14) quant aux risques inhérents à ces formations incitent à tout le moins à une grande prudence.

 

· En ce qui concerne leur vision du monde

Sahaja Yoga se situe entre "affirmation du monde" et "rejet du monde"(15) . Les spécialistes considèrent que l’organisation présente à première vue les apparences de l’affirmation du monde, mais qu’elle s’oriente de plus en plus vers le rejet du monde dès que les nouveaux venus ont atteint un certain stade au sein du mouvement(16) .

Cette mentalité de rejet du monde transparaît également dans le livre intitulé Meta Modern Era (1995), qui a été écrit par la fondatrice du l’organisation, Nirmala Devi. Tout ce qui n’appartient pas au monde de Sahaja Yoga est perçu comme étant négatif ou mauvais :

Nirmala Devi estime que sur le plan moral la culture et la société occidentales sont totalement décadentes(17) .

Nirmla Devi s’exprime également en des termes très critiques à l’égard de la façon dont la démocratie est réalisée(18) .

Nirmala Devi prétend être antiraciste, mais son livre contient des déclarations xénophobes et antisémites(19) .

Dans la mesure où l’auteur fait autorité auprès de ses disciples, les passages où elle décrit les Juifs comme avides d’argent et où, selon deux membres du Centre, elle attribue à Hitler une justification du génocide risquent d’être pris pour vérité par "ceux qui recherchent la vérité absolue" et à qui le livre est dédié. La version française, Les Temps Méta-modernes (2001), a été partiellement expurgée, mais contient quand même les termes "avides d’argent" pour qualifier les Juifs.

Nirmala Devi est d’avis que les autres religions ont dégénéré, que certains de leurs dirigeants sont sataniques et que Sahaja Yoga leur est supérieur(20).

Nirmala Devi se montre critique à l’égard de la science et particulièrement de l’usage qui en est fait à l’ère moderne et adopte elle-même un discours pseudo-scientifique(21) .

La brochure Sahaja Yoga Treatments (1990) présente, y compris pour des maladies très graves, des diagnostics et des traitements qui passent totalement outre à l’"evidence based medicine". Les membres qui, pour de graves maladies telles que le cancer, la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, le diabète et l’épilepsie, appliquent ces diagnostics et ces traitements sans faire appel à l’evidence based medicine courent de sérieux risques, et ce, en dépit du fait que les membres de Sahaja Yoga en Belgique prétendent que ces traitements sont complémentaires.

Nirmala Devi considère qu’il n’y a qu’un moyen par excellence pour changer les aspects négatifs du monde qui nous entoure, à savoir atteindre la connaissance du Soi et la réalisation du Soi par le biais du Sahaja Yoga.

Ce " message " peut amener les adeptes qui se lient de façon inconditionnelle à la " divine mère " à accepter ce jugement globalement négatif sur la civilisation occidentale sans faire preuve du moindre esprit critique.

 


Les éléments que le Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles a recueillis au cours de ses recherches dans le cadre de la demande d’avis sur Sahaja Yoga permettent de tirer (en particulier) les conclusions suivantes.

La façon dont Sahaya Yoga se présente dans ses campagnes de recrutement est trompeuse. Cela comporte un risque pour un public non informé, en particulier pour les jeunes.

Lorsque l’engagement d’une personne dans l’organisation prend une forme et des proportions telles qu’il empêche toute remise en question critique ou interprétation personnelle de la pratique, il existe un risque réel :

– pour les enfants qui sont envoyés dans les écoles de l’organisation à l’étranger, ce en raison de la séparation géographique et émotionnelle d’avec leurs parents et famille ;
– que des personnes majeures délèguent à un tiers, qui a sur elles une autorité absolue, l’exercice d’un aspect de leur droit fondamental à une vie privée et familiale que constitue le choix de leur partenaire;
– que l’autorité de Nirmala Devi soit utilisée pour faire passer un message selon lequel ce qui se situe en dehors de l’organisation est considéré comme négatif ou condamnable;
– que soit créé l’impression que des problèmes personnels et sociaux peuvent être résolus en atteignant la ‘réalisation du Soi’ par la pratique du Sahaja Yoga;
– que l’autorité de Nirmala Devi serve à répandre un message xénophobe ou antisémite;
– que certains membres optent pour les traitements médicaux proposés par Nirmala Devi plutôt que pour l’evidence based medicine.

Par ailleurs, le danger existe que les membres de l’organisation ne prennent pas suffisamment conscience des déclarations de Nirmala Devi, qu’ils ne prennent pas la peine de s’informer à ce sujet et/ou qu’ils les minimisent.


Le présent avis ne préjuge en rien de nouvelles recherches par le Centre ni d’évolutions en cours au sein de l’organisation.