LIBREVILLE, (Infosplusgabon) – Mauvaise nouvelle pour les prêcheurs de « bonne nouvelle ». Ils ne sont plus les bienvenus au Gabon, jusque là Terre promise des prédicateurs de tous poils.
En juillet 2002, le président Omar Bongo a reçu à son palais un collectif des Eglises, communautés et associations chrétiennes du Gabon. Ce collectif déplore l’injustice et les faux procès dont il est l’objet.

Il a adressé une lettre d’information à la population pour dénoncer « les médias d’Etat qui sont utilisés et guidés comme par une main invisible pour ternir l’image des Eglises ».

« Soit, poursuit ce texte, ils déforment les informations concernant les activités chrétiennes, soit ils diffusent des discours tendancieux visant à provoquer la suspicion et à jeter le discrédit sur l’Eglise ».

Au cours de la rencontre, le chef de l’Etat gabonais a été invité à distinguer le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme et l’islam, officiellement reconnus, des autres religions qui gravitent autour.

Le sujet suscite le débat au sein de l’opinion publique. Pour prévenir d’éventuels conflits intercommunautaires, nombreux sont ceux qui soutiennent que l’Etat doit faire le ménage dans ce secteur où n’importe qui peut se prévaloir du titre de pasteur. Les prédicateurs crient au complot.

Les fondateurs des nouvelles églises, craignant d’être dans le collimateur du gouvernement, demandent la reconnaissance de leur chapelle au même titre que les autres grandes religions. « Nous ne sommes nullement plus dangereuses que les autres religions », se défendent-ils.

A quel saint se vouer ?

Cela fait près de 12 ans qu’on assiste au Gabon à la prolifération de nouveaux lieux de culte, dont la plupart bâtis avec des matériaux de fortune, ne payent pas de mine.

Au total, on dénombre plus de 300 maisons de prière parmi lesquelles Mahikari (Lumière de vérité), les Chrétiens célestes, les Témoins de Jéhovah, les Adventistes, les Néo-pentecôtistes, l’Alliance missionnaire d’évangélisation des nations, Béthanie, le Chandelier… A Libreville une vingtaine de sectes ont été dénombrées.

Comme un peu partout en Afrique, ces nouvelles églises drainent surtout des personnes de milieux défavorisés, en quête de mieux-être social. Les « envoyés de Dieu » profitent de leur désarroi pour se faire payer, chèrement, le salut de leur âme.

Eux mènent ostensiblement un train de vie confortable : belles voitures, luxueuses villas et domestiques à l’avenant. « Dans notre paroisse, le pasteur demande que nous reversions le cinquième de notre salaire à Dieu pour maintenir le lien spirituel et éviter d’être brûlés en enfer », révèle Sylviane Mbourou, veuve, mère de six enfants.

Ces pratiques causent du désordre dans les ménages. Les innombrables réunions de prière qui se poursuivent tard dans la nuit sont source de querelles conjugales. Les femmes, socialement plus vulnérables, sont la cible privilégiée de ces prêcheurs de bonne nouvelle.

« Elles espèrent trouver auprès de ces Eglises, des réponses aux questions touchant à la pauvreté, à la maladie, à la stérilité, à l’infidélité de leurs maris ou à l’abandon des enfants par leurs pères » commente Samuel Dongo, un menuisier.

A chacun son église et Dieu pour tous

Selon la plupart des sources, la majorité des Gabonais serait chrétienne (catholiques, protestants et adeptes des nouvelles Eglises parfois estimés à 12 %). Les musulmans ne représenteraient que 1 % à 4 % de la population.

Quant aux membres des religions traditionnelles (animistes), ils seraient 3 % pour les uns, 49 % pour les autres ! En tous cas, Onanga Opapé, un psychologue gabonais, souligne qu’il ne faut surtout pas faire d’amalgame entre les sectes et les sociétés traditionnelles à caractère initiatique qui existent depuis des milliers d’années.

Au Gabon, la loi garantit la libre pratique du culte à condition de respecter l’ordre public. En proie depuis quelques années à de graves difficultés économiques, ce pays était devenu la terre promise des prédicateurs étrangers.

Mais on ne leur déroule plus le tapis rouge à leur arrivée. « La police de l’air et celle des frontières réserve souvent un accueil froid aux personnes portant l’étiquette de pasteur », déplore le Révérend Serge Itanda.

Selon un de ses confrères, le Révérend Mike Jocktane, « depuis peu, les services gabonais de l’immigration s’opposent à l’entrée sur le territoire national de prédicateurs de l’Evangile d’origine étrangère. Cela devient de plus en plus inexplicable dès lors que les intéressés disposent d’un visa d’entrée délivré par les services compétents des représentations consulaires ».

Pour les autorités gabonaises, la prolifération des maisons de prière favorise la dépravation des mœurs et le détournement des consciences. D’autant que les prêcheurs ne sont pas toujours des saints. Récemment, un pasteur nigérian a été reconduit à la frontière par les forces de l’ordre. Il était impliqué dans un trafic de faux documents.

FIN/IPG/ALN