La commission d’enquête parlementaire sur les sectes et les mineurs, constituée en juin et présidée par le député (UMP, Rhône) Georges Fenech, a rendu public son rapport mardi 19 décembre. Ce document reprend les chiffres avancés par Emmanuel Jancovici, chargé de mission pour la prévention et le traitement des dérives sectaires au ministère de la santé, selon lequel il y aurait "au minimum entre 60 000 et 80 000 enfants élevés dans un contexte sectaire", dont 45 000 chez les Témoins de Jéhovah.

La commission vise particulièrement cette dernière organisation. Dans ses propositions, elle suggère de modifier l’article L 1 111-4 du code de la santé publique pour y ajouter une disposition permettant au médecin de procéder d’office à une transfusion sur un enfant, en cas de refus des parents.

"TROUBLER L’ORDRE PUBLIC"

Le rapport s’appuie sur une lettre du ministre de la santé, Xavier Bertrand, datée 24 novembre et adressée à M. Fenech, qui s’en prend explicitement aux Témoins : "L’action et le prosélytisme des Témoins de Jéhovah sont (…) sources d’un certain nombre de difficultés dans le bon fonctionnement du système de santé", écrit le ministre, qui cite "le refus de la transfusion sanguine". M. Bertrand fait état "d’infiltrations jéhovistes au sein du milieu médical, par l’intermédiaire d’associations satellites (…) ou d’organismes extérieurs au mouvement".

"L’action de certaines sectes, au nombre desquelles je compte les Témoins de Jéhovah, est de nature à troubler l’ordre public, conclut le ministre de la santé. De tels faits me semblent être de nature à justifier le refus de la reconnaissance de ce mouvement comme association cultuelle."

Cette position va à l’encontre de l’argumentaire qu’avait développé devant la commission parlementaire Didier Leschi, chef du bureau central des cultes au ministère de l’intérieur, le 17 octobre (Le Monde du 20 octobre). "En l’état actuel de la jurisprudence, les Témoins de Jéhovah ont le droit de bénéficier du statut d’association cultuelle", avait estimé ce fonctionnaire.

La commission d’enquête parlementaire propose de permettre la condamnation des mouvements sectaires diffusant des messages de promotion destinés à la jeunesse, lorsqu’ils ont déjà fait l’objet d’une condamnation pénale.

Elle regrette par ailleurs "la faible implication du ministère des affaires étrangères" dans la lutte contre les dérives sectaires et suggère, pour y remédier, la création d’un poste de correspondant ministériel au Quai d’Orsay.

Membre de la commission, le député (UMP, Nord) Christian Vanneste n’a, pour sa part, pas voté pour le rapport, notant dans sa contribution "le risque d’une attitude de suspicion difficilement compatible avec une société démocratique et libérale".

Xavier Ternisien
Le Monde 20 décembre 2006