La contagion est devenue un modèle dominant de comportement, le fondement de la société d’aujourd’hui, dans tous les domaines de la vie quotidienne, et à tous les niveaux de la hiérarchie sociale.

Si l’on examine la notion de contagion en ce XXIe siècle, on découvre que c’est beaucoup plus qu’une mésaventure possible et désagréable sur le plan de la santé. C’est devenu un modèle majeur de comportement, le fondement de la société d’aujourd’hui. Le monde dans lequel nous vivons, quel que soit le pays, la culture ou le régime politique, est devenu d’une façon générale et permanente un monde de contagion. Dans le langage quotidien, on parle d’«effet domino», d’«effet cascade», de «réaction en chaîne», ce ne sont que des descriptions imagées de ce mécanisme de contagion.
C’est un mécanisme qui ne se limite plus au seul domaine des maladies. Il a remplacé les mécanismes du choix, de l’examen réfléchi, de la décision personnelle, de la lucidité tranquille. Tout ce qui se répand dans une société, les modes, les enthousiasmes, les religions, les drogues, les informations, les nouvelles, se répand par contagion, sur le modèle de l’épidémie, avec les mêmes caractéristiques: rapidité, quantité, et impuissance de l’individu.

Quoiqu’elle prétende s’en inquiéter en voulant faire croire qu’elle respecte et défend les libertés individuelles, la société moderne ne rêve à rien d’autre qu’un monde de contagions. Car ce sont exactement ces phénomènes que tout désir de réussite, qu’elle soit personnelle, commerciale ou artistique, souhaite déclencher.

Le premier désir de tout producteur aujourd’hui, quoi qu’il produise, son vœu idéal, c’est que son produit, sa création ou sa renommée se répande avec la rapidité, l’automatisme et l’universalité d’une épidémie. Qu’on le veuille ou non, qu’on l’admette ou non, la contamination (physique, intellectuelle, religieuse, politique, commerciale, etc.) est une des valeurs de référence de la société actuelle.

Dans le registre des délires collectifs, les religions qui envahissent ce monde (et les sectes, qui n’en sont que des sous-produits) procèdent elles aussi du principe de l’épidémie.

Le modèle de la maladie contagieuse décrit et explique parfaitement les mécanismes qui permettent aux religions, délires de l’humanité, de proliférer sans que les fondateurs du mouvement aient à fournir beaucoup d’efforts en matière de publicité. Le virus de la religion se transmet de la même manière que le virus d’une maladie: celui qui est atteint communique sa maladie aux individus sains dont le terrain est favorable. Ainsi la maladie religieuse se répand-elle par contaminations successives, sous la forme d’une chaîne ininterrompue d’individus. Comme dans le cas de vrais virus, il n’y a pas de «génération spontanée»!

Bien sûr, pour que la maladie religieuse se développe dans le mental d’un individu, il faut qu’elle y trouve un terrain favorable. Un être lucide et éveillé ne peut être trompé par l’illusion religieuse. Mais la plupart des gens recherchent dans la religion un refuge moral, une assurance-vie pour l’au-delà, un dérivatif, une consolation. La première religion venue fera donc l’affaire. Dès lors, le nouveau converti devient à son tour un militant, c’est-à-dire que le contaminé devient à son tour contagieux. Ce mécanisme, particulièrement visible chez les musulmans et les témoins de Jéhovah, s’appelle “fanatisme”.

Le fanatique est un individu rendu aveugle par la religion à laquelle il vient d’adhérer et qui a échangé sa personnalité avec celle proposée par la doctrine. On sait le mal que peut faire l’endoctrinement; on peut vraiment le comparer à l’inoculation volontaire d’une maladie.

Le progrès technologique est malheureusement en grande partie responsable de ce monde de contagions: la vitesse avec laquelle circulent les informations grâce à la télévision, la radio, Internet et la blogsphère, permet de répandre à l’échelle planétaire n’importe quelle rumeur et d’influencer l’opinion publique dans n’importe quelle direction. C’est pourquoi il faut toujours faire preuve d’une très grande prudence à l’égard de tout ce qui se dit à la télé, à la radio, dans les journaux, tant il est vrai que les journalistes cherchent surtout le sensationnel, au détriment de la vérité, et plus encore sur Internet, où la blogmania permet à n’importe qui de raconter n’importe quoi, sans preuve, sans vérification, et sans croisement des sources.

COMMENT SE PRÉMUNIR?

Nous ne pouvons subir d’influence mentale, nous ne pouvons subir de manipulation de notre conscience que si nous prêtons une attention intéressée à ce monde de la contamination. Il est urgent de réhabiliter le doute cartésien.

En pratique, il s’agit, dans un premier temps, que nous pouvons assimiler à une période de quarantaine ou de sevrage, de s’abstenir de façon rigoureuse et volontaire de tout ce qui est susceptible de vous contaminer mentalement: ignorer définitivement la télé, la radio, les journaux, en profiter pour retrouver le temps de vivre. Ensuite, il ne faut jamais faire confiance à la parole de ceux qui ont un quelconque intérêt personnel ou collectif, car ils déformeront ou trahiront toujours la vérité pour servir leurs propres intérêts. La publicité, les arguments de vente du commerçant, les discours politiques, les sermons des prêtres, sont autant de mensonges à ne pas écouter et à dénoncer.

Agora Vox du mercredi 22 février 2006