Le «groupe de travail» sur les sectes rend son rapport. Il constate d’abord de sérieuses lacunes dans la lutte contre ces organisations dont certaines sont dangereuses. Il recommande ensuite des corrections pour éviter les drames.
 
Un an et demi de labeur. De nombreuses réunions (à huis clos). Des centaines de documents compulsés. Une vingtaine d’auditions de «grands témoins» (les ministres de la Justice, de l’Intérieur et de la Santé publique, des dirigeants de la Sûreté, de la Police, des parquets,
etc.). Voilà ce qui a animé le «groupe de travail parlementaire» constitué en juin 2004 à la Chambre en réaction à l’apparent et considérable manque de suivi des recommandations de la commission d’enquête lancée par la même Assemblée sur le problème des sectes, en 1997. «La» commission qui avait sonné l’alarme…
 
Ce groupe présente ce jeudi son rapport, qui paraît déjà essentiel pour le combat contre les «organisations sectaires nuisibles et dangereuses». «La Libre» a pu prendre connaissance tant de ses constatations, édifiantes, que des nouvelles recommandations qui vont influencer la politique en la matière.
 
Autant le dire: le constat posé par le président et fondateur du groupe de travail, André Frédéric (PS), par son vice-président Tony Van Parys (CD&V), son rapporteur J-P. Malmendier (MR) et ses membres (CDH, VLD, SP.A, VB) ne réjouit pas. Depuis 1997, c’était quasiment le vide…
 
1 Evolution de la situation. Les activités des sectes n’ont pas diminué, au contraire (lire ci-dessus). Mais, constate le groupe, elles avancent avec plus de discrétion. Il s’agit plus que par le passé de petites structures, même si de puissants groupes dissidents du protestantisme américain (évangélistes, pentecôtistes) occupent aussi le terrain.
 
2 Parquets, police et Sûreté. Leur connaissance du phénomène est fragmentaire, dit le groupe de travail. Un besoin de formation se fait sentir (déjà dit en 1997). Il est cependant vrai que les organisations sectaires disposent parfois de moyens colossaux et qu’il est malaisé d’enquêter sur leur patrimoine. Côté parquets, un groupe de travail devait élaborer un plan de lutte, mais la note d’orientation attendue est toujours dans les limbes. Le gouvernement lui-même a omis de définir, en collaboration avec le Collège des procureurs généraux comme c’était prévu, une politique criminelle précise permettant aux services concernés d’orienter leur action. Et si la commission d’enquête avait préconisé la création d’une cellule spécifique transversale Police/Sûreté, elle n’existe pas. Enfin, si on notait en 1997 le manque de moyens matériels et humains dans ces services, c’est toujours le cas.
 
3 La cellule administrative de coordination de la lutte anti-sectes répond, elle, effectivement à une recommandation de 1997. Mais, sans locaux, elle semble en léthargie. On attend toujours la publication de l’arrêté royal l’organisant…
 
4 International. La coopération est étroite avec la France mais, même si la Sûreté entretient des contacts transfrontaliers de bon aloi, ça s’arrête à peu près là à cause de la disparité des législations en Europe et du fossé conceptuel entre les Latins et les Anglo-saxons, plus
indifférents au phénomène. D’ailleurs, a remarqué le groupe de travail, les institutions européennes, cibles privilégiées du lobbying intense des organisations sectaires, s’intéressent peu au sujet. Pas de surprise, donc, à ce qu’Europol n’ait constitué aucun fichier d’analyse sur
les sectes.
 
5 Médecine, psy et social. En 1997 déjà, il était évident que certaines sectes exploitaient le travail des adeptes. Mais les Affaires sociales se bornent à évoquer la jurisprudence, qui dit qu’adeptes et gourous ne sont pas liés par un contrat de travail. Constat d’amertume aussi côté
médical: les pratiques sectaires éveillent peu l’intérêt des autorités et de l’Ordre des médecins. Les procès pour exercice illégal de la médecine sont rares. Les députés notent aussi que l’absence de statut du métier de psychothérapeute présente un réel danger.
 
6 Quelques avancées, malgré tout, directement liées aux recommandations de 1997 ou non: création du parquet fédéral; instauration de magistrats de référence dans les parquets locaux (mais ils n’ont pas reçu la moindre directive), obligation faite à ces parquets de notifier au parquet fédéral tout dossier secte; centralisation au même parquet des informations de la Sûreté de l’Etat (mais sans suites judiciaires jusqu’ici); enfin, un «carrefour d’information» a été créé dans chaque arrondissement judiciaire.
 
Ce qui ne paraît pas si lourd… Merci, donc, aux députés: il était temps que quelqu’un réagisse!
 
© La Libre Belgique 2006