Depuis le début avril, cinq cimetières – le dernier hier dans l’Indre – ont été dégradés.
STÈLES brisées dans le Nord, tombes maculées d’inscriptions nazies dans le Pas-de-Calais, sépultures endommagées dans l’Eure : la subite recrudescence des profanations de cimetières, survenue alors que la campagne présidentielle bat son plein, met les forces de l’ordre en alerte. Hier, alors que les analystes ne souhaitaient y voir qu’une fâcheuse loi des séries, les gendarmes de l’Indre révélaient qu’une nouvelle nécropole avait été vandalisée à Rouvres-les-Bois, un bourg de 370 âmes situé au nord de Châteauroux : les plaques de huit tombeaux ont été cassées en deux, des croix couchées sur le sol et des vases brisés. Plusieurs familles ont l’intention de déposer plainte.
En Champagne, une soixantaine de tombes chrétiennes ont été dégradées dans la nuit de samedi à dimanche dernier, à Hautvillers (Marne), paisible village viticole près d’Épernay. Aucun signe raciste ou antisémite n’a été relevé dans ces deux dernières affaires. Elles portent à cinq le nombre de profanations commises dans le pays depuis le début du mois.
Après avoir passé au crible les trois premiers sacrilèges, les analystes confessent leur perplexité. « Les profils des auteurs ne collent pas d’un dossier à l’autre », confiait-on hier au ministère de l’Intérieur. Le déséquilibré de 32 ans mis en examen la semaine dernière pour la dégradation de 51 tombes dans le carré juif du cimetière de Lille était saoul. Il aurait été pris d’une bouffée de colère en croyant reconnaître un intégriste musulman sur un médaillon d’un défunt barbu… Les trois jeunes garçons, dont un mineur de 16 ans, appréhendés vendredi dans la banlieue de Lens après avoir maculé 52 sépultures musulmanes d’un cimetière militaire près d’Arras, sont pour leur part des nazillons. Des croix gammées ou celtiques, des inscriptions « Heil Hitler » et « skinhead is not dead » avaient été peinturlurées à la diable. L’un des suspects a déclaré qu’« Hitler était son idole », a confié le procureur d’Arras.
Enfin, trois jeunes majeurs et deux mineurs versés dans la sous-culture « gothique », la musique « metall » ainsi que les messes noires ont reconnu la violation de quelque 180 stèles au Havre, dont un quart abritent des dépouilles de confession juive. Mus par un relent paganiste que ne renient guère les groupuscules de l’ultradroite, le quintet a également souillé des tombes d’emblèmes nazis. Issus de la petite bourgeoisie, ces profanateurs en herbe, présentés comme « disposant d’un niveau intellectuel misérable », ont été déférés hier après-midi.
Un « possible phénomène d’entraînement »
« L’ébullition idéologique liée à la campagne chauffe les esprits et les effets de loupe médiatique portés sur les actes de profanations peuvent conduire les esprits les plus faibles à agir par mimétisme », concédait-on hier au ministère de l’lntérieur où les plus pessimistes redoutaient un « possible phénomène d’entraînement ». « Il ne serait pas étonnant que des faits similaires surviennent dans les prochains jours », prophétisaient les Cassandre. Pourtant, aucune consigne particulière n’était donnée hier pour protéger les nécropoles. Selon nos informations, pas moins de 173 cimetières ont été la cible de profanations l’an dernier dans la seule zone gendarmerie qui couvre 95 % du territoire et 206 violations avaient été recensées en 2005. Un délit puni d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Quand les infractions sont racistes ou antisémites, les sanctions sont portées à trois ans d’emprisonnement. Mais, au final, ce sont les familles endeuillées qui paient le plus lourd tribut à cette « vogue » du vandalisme funèbre.