Il semble que les pouvoirs publics préparent actuellement un plan de prévention de la délinquance qui prône notamment une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Dans ce contexte la récente expertise de l’INSERM, qui préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge, prend un relief tout particulier.
Les professionnels sont ainsi invités à repérer des facteurs de risque liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants /« des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité/ (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéro-agressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique. Avec une telle approche, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie voire traitements chimiques.
La commission "Ethique et Santé Publique" du Grand Orient de France attire l’attention de tous sur :
– le risque médical de telles pratiques : formatage des comportements, toxicomanies induites, attribution aux structures de soins de la prise en charge de troubles sociaux,
– le risque humain et sociétal, dans un projet que ne désavoueraient pas les eugénistes du 19ème siècle, qui accentue la confusion entre malaise social et souffrance physique, voire maladie héréditaire.
En plein accord avec ses principes humanistes, le Grand Orient de France :
– refuse toute atteinte au développement singulier de l’être humain par une pensée soignante imposée,
– réaffirme que les réponses aux problèmes de comportement se situent le plus souvent dans le domaine éducatif, pédagogique ou social
– dénonce le risque de détournement des pratiques de soins dans le champ psychiatrique à des fins de sécurité ou d’ordre public.
Paris, le 23 mars 2006