Nos différents gouvernements financent-ils les sectes ? Depuis la multiplication des aides à la formation, c’est de plus en plus probable.
Et le pire est qu’il n’y a pas grand-chose à faire. Nombre d’entre elles opèrent en effet en ce domaine sous le couvert d’asbl, dont les subsides ne peuvent être coupés qu’après décision motivée. Comme elles s’avancent toutes masquées, les preuves matérielles sont évidemment difficiles à réunir.
Le rapport de «suivi des recommandations de la commission d’enquête parlementaire sectes», qui vient d’être rendu public, épingle la santé et la formation professionnelle comme nouvelles terres d’élection des activités sectaires. N’importe qui peut, dans notre pays, s’autoproclamer ainsi psychothérapeute, se parer de titres plus ronflants encore, invoquer l’un la «mémoire cellulaire» ou le «décodage biologique», l’autre la «radionique» ou la «tradition atlante».
Guérir, par simple imposition des mains, des maladies comme le sida et le cancer, ou les transformer en «dettes karmiques», résultat de nos mauvaises actions dans des vies antérieures.
Le créneau est porteur. Pourquoi se gêner lorsque des navets construits sur la croyance que le «vrai savoir» est caché, se transmet de manière initiatique et procure à ceux qui le détiennent des pouvoirs
extraordinaires, deviennent des succès de librairie ? Mieux que les religions officielles, les sectes ont su répondre aux craintes du moment, de sorte que nous nageons dans un «confusionnisme» qui se
retrouve jusque dans les consultations du Centre d’information et d’avis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), submergé de demandes relatives aux «guérisons divines».
De la santé à l’épanouissement personnel, il n’y a qu’un pas, d’autant plus allègrement franchi que la formation fait aujourd’hui l’objet de toutes les attentions et que des budgets de plus en plus importants y sont affectés. D’où l’efflorescence des «maîtres ascensionnés» et autres «éthiopathes» qui, par priorité, cibleront les publics les plus fragiles, c’est-à-dire les chômeurs en quête d’emploi. Puis chercheront à infiltrer les entreprises via des (pseudo)stages de formation et de développement personnel.
Le marché «est colossal». Et les relations de travail entre individus, ainsi que les contacts avec la clientèle, permettent un effet multiplicateur dans la diffusion du message et le recrutement de
nouveaux adeptes. Une voie royale, en ce domaine, semble être l’informatique. Le développement de logiciels permet en effet d’obtenir des informations vitales sur la société et ses clients et de constituer
des bases de données sur les personnes qui y travaillent. Ces activités sont souvent offertes par de petites sociétés, en apparence indépendantes, en réalité liées à l’une ou l’autre organisation par un
système de redevance ou de franchise, ce qui rend évidemment malaisé leur dépistage.
Tout ceci n’est pas très nouveau. Un premier constat, accablant, avait déjà été dressé en 1997 par une Commission d’enquête parlementaire. Il en est résulté une Commission de suivi qui vient une nouvelle fois de constater que pas grand-chose n’a changé.
La Coordination de la lutte contre les organisations sectaires nuisibles est «en léthargie» depuis
1998. La Sûreté de l’Etat «n’a pas modifié son mode de fonctionnement» et, depuis qu’il est fédéral, le parquet «n’a encore exercé aucune action publique dans le cadre d’un dossier sectaire». La Commission insiste, cependant : les sectes sont devenues plus discrètes mais plus actives et, par le biais de la formation professionnelle, peuvent aujourd’hui «investir les points-clés du monde de l’entreprise».
Il lui paraît dès lors «primordial de sensibiliser les milieux économiques à cette problématique», dont la vulnérabilité augmente avec l’externalisation des tâches de recrutement et de formation du
personnel. Il propose également la mise en place d’un système de détection précoce collectif. En attendant cette hypothétique bouée de secours, mieux vaut rester, chacun à son niveau, un «secticide» efficace.
par tony coenjaerts Trends