Pierre-André Normandin
Le Soleil

Les Témoins de Jéhovah subissent des pressions de leurs pairs pour refuser les transfusions sanguines, a confié au Soleil un ancien adepte. Des fidèles spécialement formés visitent les patients pour s’assurer que ceux-ci respectent les enseignements du mouvement religieux, dénonce Jonathan Lavoie.

Le recours aux tribunaux pour autoriser le CHUL à transfuser deux nouveau-nés a réveillé de douloureux souvenirs chez l’ancien Témoin de Jéhovah de 32 ans. En décembre dernier, il a accompagné dans la mort son frère pratiquant, Jean-Claude Lavoie, qui refusait toute transfusion sanguine malgré son faible taux d’hémoglobine. Plongé dans le coma, il a été débranché à Noël et est mort deux jours plus tard.

Lors de cette difficile expérience, Jonathan Lavoie a assisté à de nombreuses visites de membres du comité de liaison hospitalier du mouvement religieux. Arrivé depuis à peine un mois à Québec, son frère n’aurait jamais eu le temps de se faire autant d’amis prêts à se rendre à son chevet quotidiennement, indique-t-il.

« Ce sont des avocats et des anciens qui se déplacent dès qu’un Témoin de Jéhovah se fait hospitaliser. La famille des patients est toujours encadrée. Ils appellent ça de l’amour fraternel, mais c’est pour s’assurer que la personne ne faiblit pas (dans ses convictions) », relate le jeune homme.

Ce dernier sait de quoi il parle, ayant lui-même « accompagné » des patients dans la maladie. Il se rappelle du cas d’une dame âgée qui, pour survivre, devait subir une opération au cœur impliquant des transfusions sanguines. « J’avais été envoyé avec mon père pour s’assurer que la femme ne change pas d’avis. On avait des consignes claires de nous assurer qu’elle ne faiblisse pas devant les pressions des médecins », relate M. Lavoie.

Les Témoins de Jéhovah reconnaissent que 4500 membres dans le monde ont reçu une formation spéciale pour dissuader le corps médical de recourir aux transfusions. « Les comités ont été créés pour soutenir les Témoins dans leur refus de recevoir du sang et de dissiper les doutes et inquiétudes du personnel hospitalier », peut-on lire sur leur site Internet.

Jonathan Lavoie est convaincu que les adeptes du mouvement ne peuvent pas exercer un « choix éclairé » en raison de ces pressions et des enseignements du mouvement religieux. Si les Témoins ont assoupli leur position sur le sang ces dernières années, la maison-mère décourage fortement la pratique.

Le site Internet du groupe assimile le refus des transfusions à un défi plutôt qu’à un obstacle aux traitements médicaux. Les pages virtuelles insistent également sur les risques de propagation de maladies comme le sida.

« Ça m’a pris cinq ans après être sorti des Témoins de Jéhovah pour me dire qu’un jour je serais prêt à recevoir une transfusion de sang », explique M. Lavoie, exclu du mouvement — et de sa famille par le fait même — à 17 ans. Devenu intervenant auprès des jeunes, l’homme de 32 ans cherche maintenant à aider les jeunes à se sortir des sectes.

Depuis la mort de son frère, Jonathan Lavoie mène une véritable croisade contre les Témoins de Jéhovah. Il a amassé près de 4500 signatures sur son site www.primovivere.org et tente d’organiser une manifestation à Québec. Il demande l’adoption d’une loi interdisant le refus de traitements médicaux par motivation religieuse. « Ce n’est pas normal qu’en 2007 au Québec des gens continuent à mourir pour leur religion. »