Une commission de députés se penche sur l’investissement des sectes dans le soutien scolaire et l’enseignement à distance.

«PLUSIEURS DIZAINES de milliers» de jeunes sont exposés au risque de dérive sectaire par le biais d’activités scolaires ou parascolaires. Un chiffre «en très nette augmentation ces dernières années», selon le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, la Miviludes. Jean-Michel Roulet souligne que «l’emprise est difficile à quantifier du fait que les groupes ne se vantent pas du nombre de mineurs accueillis».

Mais le phénomène semble suffisamment préoccupant pour qu’une commission d’enquête parlementaire «relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs» soit créée le 29 juin. Présidée par le député UMP du Rhône, Georges Fenech, cette commission, qui fait suite à celles de 1995 et de 1998, commence ses auditions publiques aujourd’hui. Elle prévoit de rendre son rapport en décembre.

Structures d’enseignement hors contrat

«Nous sommes en dehors d’une actualité brûlante du type du drame du Temple solaire en 1995», explique le député, ancien juge d’instruction. Notre inquiétude porte sur le développement croissant des cours par correspondance sur ces mineurs sortis du système scolaire classique pour être éduqués dans des structures hors contrat.»

Depuis 1998, précise Georges Fenech, une loi prévoit des inspections académiques dans les établissements hors contrat ainsi que des injonctions de scolarisation en cas de carences. Sans douter que les contrôles existent, il «souhaiterait mieux connaître leur ampleur» et appelle à de nouvelles mesures législatives. «Il y a urgence à ce que le législateur prévoit de véritables mesures coercitives pour protéger une population particulièrement fragile.»

A l’Éducation nationale, Pierre Polivka, inspecteur général et délégué à la Miviludes, précise que «les dérives sectaires dans le réseau sous contrat ont largement diminué depuis 1998». Mais, ajoute-t-il, «de fortes présomptions sectaires pèsent désormais sur une floraison d’instituts privés d’enseignement à distance ou de soutien scolaire».

Entendu aujourd’hui par la commission, Jean-Michel Roulet a consacré un tiers de son dernier rapport annuel (*) à cette question des mineurs sous influence. Il dénonce notamment les pratiques de la secte Raël qui prône «l’éducation sensuelle» des enfants, La Nouvelle Acropole qui fait la promotion de ses «conférences philosophiques» aux abords des lycées ou encore la petite famille des Frères de Plymouth, issue du protestantisme, qui «coupe ses enfants des influences du monde».

La Scientologie en mission dans les cités

Mais c’est l’Eglise de scientologie qui est la plus active auprès des mineurs. «Ses membres se rendent désormais dans des banlieues parisiennes défavorisées pour proposer ouvertement du soutien scolaire aux jeunes, raconte-t-il. Ils leur proposent aussi de signer des pétitions contre l’usage de la drogue ou pour les droits de l’homme. Des prétextes pour mieux les approcher.»

(*) Disponible sur www.miviludes.gouv.fr

Les Frères de Plymouth dans le collimateur de la Miviludes .

L’Union nationale des frères de Plymouth est furieuse d’avoir été épinglée à trois reprises dans le dernier rapport de la Miviludes. Cette minorité protestante issue du rameau évangélique et du mouvement de l’Anglais John Nelson Darby (1800-1882) scolarise ses enfants dans des écoles hors contrat ou leur fait suivre des cours d’un institut privé par correspondance. Elle n’avait jamais jusqu’ici été considérée comme un mouvement sectaire. «Comment la mission peut-elle dénoncer nos méthodes d’enseignement par correspondance dans son rapport alors que nous avons eu droit à quatre inspections académiques en cinq ans et que les conclusions ont toutes été positives ?», s’indigne le président de l’Union, Raymond-Jacques Picq. «La Miviludes ne s’est fondée que sur les dires de deux détracteurs, affirme-t-il. Nous ne voudrions pas que cette méthode prévale avec la nouvelle commission d’enquête».

Les quelque 1 500 membres des Frères de Plymouth sont disséminés dans la Drôme, la Loire, le Rhône, dans le Gard ou en banlieue parisienne, mais sont surtout présents sur le plateau du Chambon-sur-Lignon, en Haute-Loire.

«Si l’on définit la secte comme un groupe totalitaire style Temple solaire, les Frères de Plymouth n’ont rien d’une secte, explique Sébastien Fath, spécialiste du protestantisme. Mais si on définit les dérives sectaires comme des tendances à l’embrigadement ou à séparation conflictuelle avec le monde, on peut discerner quelques risques chez eux.» Sur le plateau du Chambon, un élu local ne nie pas qu’il puisse y avoir «quelques problèmes d’insertion dans le monde» chez les Frères de Plymouth. Mais, pour lui, «les assimiler sottement à une secte n’a aucun sens».

S. de R.