Présidente de l’ASDFI (Association suisse de la défense de la famille et de l’individu) depuis bientôt dix ans, Danièle Muller connaît bien le dossier de l’Ordre du Temple solaire. Aujourd’hui, elle regrette le manque d’intérêt de la Suisse concernant les dérives sectaires.

«A l’étranger, notre pays est considéré comme le sanctuaire des sectes», ne peut que déplorer celle qui est aussi déléguée au Conseil de l’Europe pour la FECRIS (Fédération européenne des centres de recherche et de croyance sur le sectarisme).

L’OTS existe-t-il toujours?
Pas en tant que tel. Il y a certes eu des tentatives de reconstitution, en Suisse en France et au Canada. Mais cela n’est pas allé plus loin. La tête du mouvement était coupée…

Des massacres comme ceux du Temple solaire sont-ils encore possibles?
Pour répondre, je vais simplement vous livrer ce que m’a dit une ancienne adepte de la secte de Jean-Michel Cravanzola après les drames de Cheiry et Salvan. «Nous étions tellement exaltés par le courage des adeptes de l’OTS que l’on aurait pu faire la même chose», m’a-t-elle dit…
Cela montre qu’à un certain degré d’endoctrinement, des gens sont prêts à faire n’importe quoi. A dépasser ce qui pour nous est la raison.

Avez-vous le sentiment que l’on est allé au bout de l’enquête?
A l’évidence non. Je vous rappelle que des gens importants, des hommes politiques notamment, ont frayé avec l’OTS. Souvenez-vous que Charles Pasqua en personne a reçu un testament des adeptes!

On parle moins des sectes depuis quelques années. Y en aurait-il moins?
Bien sûr que non. Les médias en parlent certes moins, cela ne veut pas dire que les sectes ont disparu. Elles existent sous d’autres formes, plus insidieuses. Il s’agit d’un secteur mouvant qui s’adapte aux réalités du moment. Actuellement, ce sont les mouvements liés à la santé, à l’éducation, aux mineurs et à l’humanitaire qui prolifèrent.

Des exemples?
Les médecines naturelles sont un secteur où il est facile de se glisser. Je pense notamment à ce mouvement d’origine sud-américain, Biodanza, très actif dans le Valais. Naturellement, les grandes sectes – des multinationales – comme la Scientologie sont toujours très actives. Après le tsunami, les scientologues ont été parmi les premiers à se rendre sur place. Les indigènes les ont renvoyés chez eux.

Et que fait la Suisse pour lutter contre le phénomène?
Pas grand-chose… Pour information, Genève dénombrait en 2001 80 mouvements sectaires. Mais dans notre pays, les politiques ne sont pas préoccupés par le phénomène, persuadés que les lois en vigueur sont suffisantes pour lutter contre les dérives sectaires. En 1999, la Commission de gestion du Conseil national a demandé une politique fédérale en matière de sectes et, notamment, la création d’un Observatoire fédéral des sectes. Celui-ci n’a jamais vu le jour.

OTS: le bis repetita de Michel Tabachnik

Une salle d’audience presque vide, des parties civiles absentes, le procès en appel du chef d’orchestre Michel Tabachnik, poursuivi pour association de malfaiteurs dans l’affaire de l’Ordre du Temple solaire (OTS) s’est ouvert hier à Grenoble dans une quasi-indifférence.

Le musicien, soupçonné d’avoir joué un rôle important au sein de la secte, juge la situation dans laquelle il se retrouve aujourd’hui profondément injuste. «Cela fait onze ans que je subis la pression médiatique et judiciaire», a déclaré Michel Tabachnik en montant les marches du Palais. Pendant deux semaines, la justice va essayer de comprendre, une nouvelle fois, ce qui a pu entretenir la ferveur suicidaire parmi les survivants des premiers massacres.

Dans la nuit du 15 au 16 décembre 1995, seize personnes dont trois enfants périssent dans une forêt du Vercors à l’issue d’un rituel mortifère. Michel Tabachnik a-t-il contribué, aux côtés de Jo Di Mambro et de Luc Jouret, à endoctriner les adeptes de la secte et à les emmener à la mort? Pas facile à démontrer.

Le président du tribunal n’a pas caché que la tâche allait être ardue. «C’est une affaire qui baigne dans un certain irrationnel, dans l’ésotérisme et la culture du secret, ce qui rend compliqué la perception des faits. Il y a en outre des questions qui persistent sur le déroulement des faits.» Comme il l’a fait il y a cinq ans, le chef d’orchestre, a commencé à raconter sa rencontre avec Jo Di Mambro et son parcours au sein de la secte.

Michel Tabachnik, dont la carrière commence seulement à redémarrer, n’a pas changé de discours. Oui, il a été proche des deux gourous de la secte, Jo Di Mambro et Luc Jouret. Non, il n’a pas vu venir les massacres qui se préparaient. Oui, il a bien entendu parler de maîtres supérieurs chapeautant l’Ordre auquel il appartenait mais il ne les a jamais vus. «Il y avait autour de Di Mambro, un halo de mystère», explique-t-il à la barre du Tribunal. Ses textes? Une littérature pour initiés. Pas des appels au suicide.

Me Alain Leclerc, l’avocat de la famille Vuarnet est persuadé que la justice n’aura pas d’autre choix que de relaxer Michel Tabachnik une deuxième fois. Il regrette que l’instruction ait «négligé la piste financière».

Alain Jourdan

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