GRENOBLE, 31 oct 2006 (AFP) – Le chef d’orchestre franco-suisse Michel Tabachnik, poursuivi devant la cour d’appel de Grenoble pour sa responsabilité morale dans la "tuerie-suicide" de 16 membres de l’Ordre du temple solaire (OTS) dans le Vercors en 1995, sera fixé sur son sort le 20 décembre, 11 ans après le drame.

"Je suis innocent", a dit une dernière fois à la barre le musicien, à l’issue de 6 jours de procès au cours desquels aucun élément nouveau n’est apparu depuis sa comparution en première instance en 2001.
M. Tabachnik, 61 ans, poursuivi pour "association de malfaiteurs", est accusé d’avoir placé, par ses écrits, les victimes "dans une dynamique mortifère". Il avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Grenoble, faute de preuves, alors que le parquet avait requis 5 ans de prison.

Mardi, l’avocat général Jean-Pierre Melendez n’a demandé ni la condamnation ni la relaxe de M. Tabachnik, ne se prononçant pas explicitement sur sa culpabilité ou son innocence aux termes d’un réquisitoire qui a laissé le public et la presse pantois.

Pendant 2h30, M. Melendez a parlé des religions et de l’ésotérisme, évoquant l’Egypte, le Coran, la tradition hindoue ou le mythe d’Osiris. Il s’est demandé si "Michel Tabachnik est plus rosicrucien que rose-croix" et a affirmé: "la dialectique ésotérique/exotérique avec un schéma kabbalistique de Michel
Tabachnik est intéressante".

M. Melendez a ajouté: "Michel Tabachnik aime faire des conférences. C’est une intelligence très au-dessus des membres de la fondation Golden Way (structure à l’origine de la création de l’OTS)… Cela ne l’empêche pas de se livrer avec la meute à des séances d’incantation des maîtres, avec une mise en scène qui laisse songeur". Afin d’impressionner les adeptes, les chefs de la secte avaient recours à des trucages lors de cérémonies pour faire croire qu’ils communiquaient avec des "maîtres".

L’avocat d’une association anti-secte, Jean-Michel Pesenti, s’est déclaré surpris par ce réquisitoire. "On était un peu sur Sirius, un peu en Perse, un peu en Egypte, c’était très étonnant", a affirmé Me Pesenti qui défend les intérêts de l’Union nationale des associations pour la défense des familles et
de l’individu (Unadfi).

"C’est un réquisitoire sans réquisitions, c’est une première, la montagne n’accouche pas d’une souris, mais de rien", a estimé un autre avocat des parties civiles, Me Alain Leclerc.

L’avocat de M. Tabachnik, Me Francis Szpiner, a rappelé que tous les adeptes venus témoigner à la barre avaient reconnu "soit qu’ils ne lisaient pas lestextes de M. Tabachnik, soit qu’ils n’y comprenaient rien", et que la justice suisse l’avait mis hors de cause pour les massacres commis en 1994 en Suisse.

"Les écrits de M. Tabachnik sont un galimatias ésotérique. Sanctionner les élucubrations de Michel Tabachnik, ce serait sanctionner un délit d’opinion", a déclaré son avocat en réclamant une nouvelle relaxe.

Le 22 décembre 1995, dans une forêt du Vercors, les corps calcinés de 16 personnes avaient été découverts sur un bûcher, tuées par balles, et quatre armes retrouvées sur place. Trois enfants d’adeptes se trouvaient parmi les victimes, ainsi qu’Edith et Patrick Vuarnet, l’épouse et le fils cadet de
l’ancien champion de ski Jean Vuarnet.

Entre octobre 1994 et décembre 1995, des "tueries suicides" de membres de l’OTS avaient fait au total 68 morts en Suisse, en France et au Canada, dont le gourou de la secte Jo Di Mambro.

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