Le Soir – 20-04-2006  (quotidien belge)
 
Et si l’ange cachait un démon ?… Au terme de leur enquête, Catherine Lorsignol et Georges Huercano-Hidalgo n’ont plus de doute : « Le père Samuel est un gourou dangereux. »
Sujet de tête d’Envoyé Spécial, sur France 2, le reportage de nos confrères de la RTBF démonte la mécanique sectaire du prêtre catholique, témoins à l’appui. Tous les ingrédients y sont, de la manipulation mentale au culte de la personnalité, en passant par la dialectique de la peur (la phobie de l’islam, en l’occurrence).

Avec Samuel Ozdemir, devenu Charles Boniface en Belgique, le Grand-Guignol n’est jamais loin… Pur produit de l’intégrisme catholique, le « père » Samuel prend manifestement plaisir à brandir son crucifix, dans ses chasubles flamboyantes.

C’est pittoresque. Mais la caméra ne s’est pas contentée des génuflexions et des incantations latines de l’exorciste-guérisseur…

Pour la première fois, des ex adeptes du prêtre témoignent à visage découvert de ses accointances avec l’extrême droite.

Mais aussi des attouchements sexuels auxquels il se livrerait au cours de consultations privées.
On savait Boniface obsédé par l’image de la femme, à lire ses récentes contributions à l’hebdo réactionnaire Père Ubu (« Les désirs charnels de la femme », « Aïcha épousée à 6 ans, déflorée à 9 ans »…). Des témoins en révèlent davantage sur le personnage : ex-religieuse de l’ordre monastique fondé par Boniface, Marie, catholique convaincue, évoque les attouchements dont sa fille aurait été victime ; elle-même ayant été invitée à s’asseoir sur les genoux du « père » ; un autre témoin décrit ses mains baladeuses, « aussi bien en haut qu’en bas, devant, derrière ». « Calomnies, s’insurge Boniface : Je suis vierge, je mourrai vierge ! »

L’extrême droite a souvent soutenu Boniface. Il a eu les faveurs du journal du Front national, mais davantage encore du site nonali.com, qui se revendique de la « résistance » à la prétendue « invasion islamique en Belgique ». Le reportage révèle que le prêtre, malgré ses dénégations, a lui-même largement soutenu la droite extrême. Comme Marguerite Bastien, ex-députée régionale bruxelloise, ancienne présidente du Front nouveau. En 1999, le prêtre a mobilisé ses adeptes pour qu’ils recueillent les signatures indispensables au dépôt de candidature de Bastien…

À l’heure de trancher, entre les paroles des uns et les dénégations de l’autre, on est troublé par l’hystérie permanente du prêtre et l’éclatante sérénité de ceux qui ont fini par le renier. ■
 
RICARDO GUTIÉRREZ