Jusqu’à ce qu’il soit révélé au grand jour, le phénomène était impensable. Des élèves pris de transe, tombant comme des quilles dans un jeu de massacre. Le tout sans raison apparente, sous le regard impuissant des enseignants et au grand dam des parents. De jeunes filles sont " tombées " à répétition au Cetif d’Akwa il y a quelques années. Le même spectacle s’est reproduit ailleurs, notamment dans la zone septentrionale. Et une actualité encore chaude a porté sur les agissements d’une secte sévissant à l’université de Ngaoundéré. A chaque fois, les explications avancées sortent du cadre rationnel — tel qu’il est communément défini en tout cas.

A Douala, des voix ont parlé d’envoûtement. Des messes de délivrance ont d’ailleurs été organisées sur le site. A Ngaoundéré, les membres de la secte susmentionnée prétendaient chasser les démons, de manière plutôt musclée, en tabassant les présumés possédés… La révélation de ces cas a dû en secouer beaucoup, surtout en raison des détails sordides attachés à certains d’entre eux. Mais elle aura eu le mérite de déclencher l’alerte. De faire comprendre à l’opinion que de manière insidieuse, une hydre tentaculaire s’instille dans les écoles, infeste les campus. Ses différentes têtes se nomment "sectes", "cercles mystiques", "groupes religieux", etc. Leurs ombres sinistres dansotent macabrement parmi les jeunes, cibles de prédilection.

Il semble en effet que l’enjeu soit celui-là. Où recruter facilement de nouveaux adeptes (véritable obsession de ces groupes) sinon parmi des adolescents, à l’orée de leur vie d’adulte, parfois traversés par des doutes, souvent fragiles, mais généralement pleins de potentialités ? La technique de " capture " a même intéressé des réalisateurs de cinéma : pour peu qu’un jeune soit prometteur, des cercles s’organisent pour lui mettre la main dessus. Histoire d’avoir son pion dans l’élite de demain. Ce n’est pas tout, évidemment. Les spécialistes de la question des sectes s’accordent généralement sur l’aspect asservissement mental qui les caractérise. Précisons qu’ici, le terme s’applique aux groupes religieux définis comme dissidents par rapport aux religions orthodoxes ou traditionnelles. Il évoque généralement une déviance.

A la recherche d’un idéal, d’une raison de vivre ou simplement d’un " autre chose " indéfinissable, l’élève ou l’étudiant est séduit et rejoint la secte ou le cercle réservé. Surtout si l’appât prend la forme d’une amie chère, d’un pote sympa… Après le lavage de cerveau, il est plus facile de faire passer les bobards les plus invraisemblables. La vraie manière de chercher Dieu ; les techniques pour dominer autrui ; la garantie du bien-être matériel ; le succès dans toutes les entreprises, etc. Qui sait combien d’esprits à peine éclos sont empoisonnés ainsi chaque jour dans nos écoles ? Avant de découvrir, au bout du processus, que les belles promesses masquaient une réalité hideuse à laquelle, il est désormais difficile d’échapper.

Les jeunes ont des problèmes, c’est connu. Ce qui l’est un peu moins, c’est que des personnes ou des groupes occultes essaient d’en profiter pour faire aboutir des desseins sinistres. Comme des loups en bergerie, ils s’en donneront à cœur joie jusqu’à ce qu’ils soient contrés efficacement. Dans ce véritable combat spirituel, pour reprendre une expression récemment employée par le père Meinrad Hebga dans les colonnes de CT, les parents ont un rôle non négligeable à jouer.