Un projet de décret sur la réglementation du titre de psychothérapeute suscite des inquiétudes et des controverses
Jean-Michel Roulet, Président de la MIVILUDES présente son premier rapport mercredi 26 avril. Il y sera question des dérives observées dans le secteur de la santé, et notamment du développement des « thérapies parallèles ». Alors qu’un projet de décret visant à réglementer le titre de psychothérapeute est en préparation au gouvernement, Jean-Michel Roulet, « alerté » par plusieurs professionnels et associations d’usagers dénonçant un dispositif inefficace, vient justement d’écrire à Xavier Bertrand, ministre de la santé, pour lui faire part de «ses réserves».
Retour en arrière. Il y a deux ans, le Parlement décide de faire le ménage chez les psychothérapeutes. Après bien des discussions, « l’amendement Accoyer » – du nom de son auteur, Bernard Accoyer, président du groupe UMP à l’Assemblée nationale – est voté en août 2004 et intégré à la loi de santé publique. Alors que le titre de psychothérapeute ne fait actuellement l’objet d’aucune réglementation, ce texte prévoit la création d’un registre national des psychothérapeutes tenu par les préfets et mis à la disposition du public. Seuls pourront y être inscrits les psychothérapeutes ayant suivi une « formation théorique et pratique en psychopathologie » dont les modalités seront fixées « par décret ».
"Un stage d’une durée minimale de quatre mois"
C’est la dernière version de ce projet de décret, présentée le 7 avril, qui inquiète certains professionnels et patients. Elle prévoit en effet que les médecins, les psychologues et les psychanalystes enregistrés dans une association soient dispensés de l’obligation de formation en psychopathologie.
Les autres professionnels voulant user du titre de psychothérapeute, eux, devront suivre une formation théorique de cent cinquante heures, confiée « à l’université ou à des organismes passant convention avec » elle, et « un stage pratique d’une durée minimale de quatre mois ». Sauf s’ils justifient « au moins de cinq années d’expérience en qualité de psychothérapeute ».
« Ce texte est à l’opposé de la loi, s’insurge Christian Vasseur, président de l’Association française de psychiatrie. L’idée qu’avaient fini par accepter tous les professionnels sérieux était celle d’une formation de base en psychopathologie, seule garantie pour savoir reconnaître les maladies psychiques. » À ses yeux, cette formation devrait être de niveau mastère et s’accompagner d’au moins deux ans de stage.
"Pas plus de protection qu’avant pour les patients"
Psychologue et membre de l’association Psychothérapie Vigilance, Martine Maurer se dit elle aussi « stupéfaite ». « Cela revient à dire qu’il n’y a pas besoin de formation pour être psychothérapeute », estime-t-elle, convaincue qu’il n’y aura « pas plus de protection qu’avant pour les patients ». Selon elle, le projet de décret donne aux psychothérapeutes douteux les moyens de contourner la loi : « Il leur suffit de créer une association psychanalytique pour être dispensés de formation. » Ou, s’ils acceptent cette dernière, d’être « légitimés » à peu de frais.
La Miviludes vient d’exprimer elle aussi « ses réserves » à Xavier Bertrand, notamment sur le « bonus » accordé aux professionnels « sans diplôme et autoproclamés mais exerçant depuis plus de cinq ans, alors même que certains auraient causé des dommages à leurs patients ». « Les inquiétudes des professionnels diplômés et des associations d’usagers m’ont poussé à agir, explique le président de la Miviludes, Jean-Michel Roulet. Mais plus encore, les réactions extrêmement positives des associations de psychothérapeutes que nous considérons comme inquiétantes : celles-ci nous laissent penser que le projet de décret les conforte. »
Le ministère de la santé, qui a donné quinze jours aux professionnels pour lui faire part de leurs réactions, refusait de se prononcer mardi 25 avril.
la croix mardi 25 avril 2005
Anne-Bénédicte HOFFNER