Jean-Michel Roulet, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, vient de remettre un RAPPORT à Dominique de Villepin

Pour quelle raison l’intervention de sectes dans l’humanitaire d’urgence vous choque-t-elle ?

Je trouve scandaleux et immoral de se servir de la détresse des autres pour avancer masqué et à des fins de prosélytisme. Que ce soit après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001, ou lors des inondations dans le Gard, en septembre 2002. Plus récemment, au moment des violences en banlieues, des « ministres volontaires » de la Scientologie ont distribué des exemplaires de l’ouvrage de leur défunt gourou, Ron Hubbard, Le Chemin du bonheur, afin d’améliorer l’image de leur mouvement et de recruter. En prétendant que leur action contribuait à faire cesser les troubles !

Les gourous guérisseurs sévissent-ils toujours autant et de la même manière ?

De plus en plus de Français ne conçoivent pas que la médecine puisse être parfois impuissante et écoutent avec complaisance les promesses de miracles. Les sectes charlatanesques sont souvent de petite taille et leurs gourous adoptent une rhétorique moins New Age ou loufoque, plus médicale, donc perverse. Le jeûne comme remède aux pathologies les plus aiguës se développe toujours. Comme le « respirianisme » de l’Australienne Ellen Greve, alias Jasmuheen, qui prétend ne plus se nourrir depuis 1993 et fait des adeptes en France. L’état de faiblesse provoqué par le jeûne est idéal pour placer un adepte sous domination.

L’infiltration de sectes dans des entreprises ou des administrations se poursuit-elle ?

Plus que jamais. Surtout à travers la formation professionnelle. Nous avons découvert que, dans le secteur de la chimie, une DRH avait recruté une vingtaine d’adeptes de son groupe. Plus grave, des sociétés de services informatiques liées à des mouvements sectaires pénètrent, par la vente de logiciels ou par des contrats de maintenance, au cœur d’entreprises ou d’administrations pour voler des informations stratégiques et les revendre. (L’EXPRESS)
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Les sectes s’emparent des enfants et de la banlieue

L es sectes sont une nouvelle fois montrées du doigt. Dans son rapport 2005, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires dénonce l’activité des sectes. Enfants, médecines alternatives, et présence dans les banlieues constituent trois domaines "particulièrement préoccupants" selon le rapport. L’église de scientologie prétendrait même que c’est grâce à elle que le calme est revenu dans les banlieues françaises à l’issue des émeutes de l’automne dernier.

Les enfants en première ligne

La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) dénonce l’activité des sectes dans son rapport 2005. Le rapport est publié dix ans après l’affaire de l’Ordre du temple solaire qui a décidé la France à se doter d’une structure spécialisée. Enfants, médecines alternatives, et présence dans les banlieues constituent trois domaines "particulièrement préoccupants" pour l’activité des sectes, estime la Miviludes dans son rapport.

Les enfants sont souvent une "cible", selon le rapport, parfois même avant leur naissance comme au sein de la Fraternité blanche universelle. Chez les dévots de Krishna, ils ont un emploi du temps harassant (lever à 3H30, coucher à 20H30 pour les 10-15 ans). Ils peuvent être retirés de l’école (enfants "indigo" ou "cristal" de Kryeon), scolarisés à part (Tabitha’s Place, Frères de Plymouth issus du darbysme protestant). La cellule de prévention de l’Education nationale évalue à 10.000 les enfants instruits à domicile ou dans des établissements hors contrat. Parfois soumis à de mauvais traitements voire des abus sexuels, les enfants peuvent mourir de privations. En juin 2005, les parents kinésiologues de Kerywan, mort à 16 mois avec le poids d’un nourrisson de quatre mois, ont été condamnés par la cour d’assises du Finistère à cinq ans de prison dont 52 mois avec sursis.

Les banlieues dans le viseur des sectes

Par ailleurs, des sectes comme la scientologie auraient utilisé la crise des banlieues à l’automne 2005 pour revendiquer une action humanitaire en faveur des populations en difficultés, et surfer sur l’intérêt des médias. Certaines d’entre elles, prétendraient même que c’est grâce à elles que le calme est revenu. "La présence dans les banlieues françaises, après les désordres de l’automne 2005, de certaines organisations sectaires revendiquant haut et fort les mérites de leur action humanitaire en faveur des populations en difficulté est préoccupante", souligne le rapport.

Les propos tenus par l’église de scientologie sur le site internet de leur représentation en Ile-de-France confirme les conclusions du rapport. On trouve en page d’accueil un long texte intitulé : "que se passe-t’il vraiment dans nos banlieues et comment y remédier ?". La mission de lutte contre les sectes affirme que des représentants de la Scientologie ont profité du chaos qui régnait l’automne dernier pendant et après les émeutes dans les banlieues pour aller y faire du prosélytisme. Tenter d’enrôler des habitants des cités les plus difficiles en profitant de leur détresse.

Faux ! répondent les représentants de l’église américaine. Leurs démarcheurs se seraient contentés de venir en aide à ceux dont personne ne se soucie. En luttant par exemple contre les trafics, ou en aidant les jeunes en échec scolaire. Des méthodes éprouvées lors des émeutes de Los Angeles il y a quelques années. Selon la mission de lutte contre les sectes, de nombreux démarcheurs se sont fait expulser en tentant de précher la bonne parole. Mais d’autres ont réussi à recruter de nouveaux membres pour grossir les rangs de la scientologie. Aujourd’hui, "une vigilance accrue s’impose", estime la Miviludes, qui cite parmi les motivations des sectes la recherche de respectabilité, le recrutement de nouveaux adeptes et la perspective d’un pactole financier.

A.C. avec O.Geay (RTL)