Le 20 octobre 2005, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du Territoire, demande au Professeur Jean-Pierre Machelon, de constituer une «Commission de réflexion juridique sur les relations des cultes avec les pouvoirs publics». Le 20 septembre dernier, le rapport a été finalisé et transmis aux politiques, journalistes et responsables de fédérations religieuses. Le TopInfo a reçu ce rapport de 86 pages, et vous propose une analyse mettant en exergue ce dont les chrétiens protestants évangéliques bénéficieraient, en cas d’application par le gouvernement des propositions de cette commission.

L’objectif de cette réflexion

Pour quelles raisons M. Sarkozy a-t-il manifesté le désir de «toiletter» la loi de 1905, en constituant une telle commission, dont les buts affichés sont d’améliorer les relations entres les cultes et les pouvoirs publics, prendre en compte les attentes des grandes religions de France, et homogénéiser les pratiques sans remettre en cause les principes de la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat? Dans son courrier au professeur Machelon, le ministre de l’Intérieur écrit: «Les échanges que j’ai menés, comme ministre chargé des cultes, avec les représentants des grandes religions de notre pays, m’ont convaincu de la nécessité d’apporter, aujourd’hui, un certain nombre d’amendements au corpus des textes régissant l’exercice des cultes et leurs relations avec les pouvoirs publics». 

Une plus grande reconnaissance des chrétiens évangéliques

Dans ses «considérations générales», le rapport effectué sous la présidence de Jean-Pierre Machelon, révèle une prise de conscience intéressante concernant le Christianisme évangélique. En effet, ils écrivent que si les Français demeurent attachés au régime de séparation des Eglises et de l’Etat, «le paysage confessionnel de la France a changé depuis le 9 décembre 1905», et désormais, «les Eglises évangéliques font partie intégrante du paysage religieux français». Selon leurs estimations, «le Protestantisme demeure stable en nombre, mais varie en composition». Cette branche du Christianisme représenterait donc toujours environ 2% de la population (4% des 18-24 ans), soit 1,2 millions de personnes, mais parmi eux, 30% appartiennent déjà aux courants évangéliques et pentecôtistes (400.000).

Par ailleurs, dès les premiers paragraphes, la commission rapporte la nécessité pour l’Etat de rétablir l’égalité entre les différents cultes. «Il est hors de question d’occulter la légitime représentativité dont bénéficient les religions liées à l’histoire de la nation française et ancrées depuis des siècles sur son sol. Mais que penser cependant du principe selon lequel ’’La république respecte toutes les croyances’’, dès lors que certains fidèles de deux confessions en expansion récente sur l’ensemble du territoire, l’Islam et le Christianisme évangélique, rencontrent de réelles difficultés pour pratiquer leur culte?», s’interrogent-ils, avant de préciser que «de nombreux exemples de discrimination ont, en effet, été rapportés à la commission, notamment sous la forme d’un usage systématique (et illégal) du droit de préemption par certains maires, pour empêcher la création de lieux de culte».

La fin des problèmes immobiliers?

De nombreuses églises et pasteurs ont vécu des situations difficiles avec leurs communes respectives. Refus de construction de lieux de culte, sans la moindre raison valable, mais surtout légale. Cela n’a pas échappé au regard de la commission, qui rapporte que «la question immobilière est au cœur des préoccupations des responsables religieux, particulièrement musulmans et évangéliques. (…) Les mouvements évangéliques, outre des problèmes de fonds propres, rencontrent des difficultés récurrentes pour obtenir des permis de construire». Cette question n’est pas un détail secondaire, et la commission insiste à juste titre sur la nécessité de «faciliter» la construction de nouveaux édifices de culte. Le rapport précise en outre que la situation des mouvements évangéliques est encore plus préoccupante que celle de l’Islam. «Ces expressions du protestantisme suscitent parfois méfiance et rejet, notamment en raison d’une méconnaissance de leurs pratiques cultuelles», dénote les membres avec justesse.

Diminuer les détournements de pouvoir

Afin d’éradiquer un maximum de décisions discriminatoires de la part des élus locaux, la commission invite les politiques à engager une réflexion sur la mise en œuvre du droit de l’urbanisme. En effet, les différents membres de cette commission ont souvent constaté que les maires s’abritent derrière des règles d’urbanisme pour empêcher l’ouverture de nombreux lieux de culte, et les évangéliques sont les principaux concernés par ces refus inacceptables. Comme ils l’écrivent, «les communes font ainsi usage de leur droit de préemption pour empêcher une association cultuelle d’acquérir un terrain. Parfois, elles refusent le changement d’affectation d’un immeuble qui permettrait de le transformer en salle de prière. De telles pratiques sont illégales. Un maire ne peut refuser un permis de construire que pour des considérations d’urbanisme». Il y a des détournements de pouvoir manifestes que l’Etat ne peut continuer à passer sous silence. Pour solutionner le problème rencontré par les pasteurs et autres religieux, la commission préconise que «les maires soient incités à prévoir des espaces réservés aux lieux de culte dans leurs documents d’urbanisme».

Aider à la construction de lieux de culte

Bien plus que de mettre un terme aux injustices et tracasseries administratives, dont le but est de freiner la croissance surprenante de la nébuleuse évangélique, la commission évoque également le sujet polémique du financement des lieux de culte. «Incertaine dans sa définition, l’interdiction de subventions des activités religieuses s’avère aussi peu cohérente en raison de la multiplicité des dérogations que connaît cette règle», rappelle-elle en guise d’introduction. La question est si épineuse que la réponse de la commission émane de la décision majoritaire, mais non unanime des membres. En finalité, «la commission estime que la consolidation et l’élargissement des aides existantes ne sont pas suffisants pour répondre aux nécessités actuelles. Elle estime que l’éventail des mesures proposées doit être complété par une aide à l’investissement pour la construction de lieux de culte», et précise aussitôt: «La légalité des subventions demeurerait subordonnée à l’existence d’un intérêt général, conformément au droit commun».

Séparer 1905 et 1901

Dans le second chapitre du rapport (sur cinq), Jean-Pierre Machelon et son équipe déclarent qu’il devient urgent de ne plus enfermer les associations cultuelles dans un cadre excessivement contraignant. Ils rappellent tout d’abord que la libéralisation du droit des associations ne s’est pas toujours accompagnée d’une mise à jour du texte de 1905, et qu’en ce début du 21ème siècle, «plusieurs contraintes propres aux associations cultuelles ont perdu leur raison d’être et les pénalisent inutilement par rapport au droit commun». Concrètement, la commission propose de supprimer ces contraintes et de mettre fin «au lien automatique entre la loi du 1er juillet 1901 et celle du 9 décembre 1905, pour éviter qu’à l’avenir de nouvelles contraintes n’apparaissent fortuitement». Toujours selon eux, il est primordial de mettre fin à l’étanchéité financière entre les associations cultuelles et les associations régies par la seule loi de 1901.

L’Alsace Moselle et la Guyane

Enfin, dans son dernier chapitre, le rapport évoque deux régimes particuliers pour ce qui concerne la laïcité, à savoir l’Alsace Moselle et la Guyane. Concernant la région de l’est de la France, la différence porte essentiellement sur trois points: la rémunération par l’Etat de certains ministres des cultes traditionnels, le soutien financier qui peut être apporté aux religions, et l’existence d’un enseignement religieux dans les écoles publiques. Certains contestataires ont revendiqué la nécessité d’assouplir les modalités de dispense de l’enseignement religieux (Les parents qui ne souhaitent pas que leurs enfants bénéficient de cet enseignement, doivent en faire la demande explicite), mais pour sa part, la commission estime qu’«il n’est pas nécessaire de modifier le système existant afin de contraindre les parents souhaitant que leur enfant bénéficie d’un enseignement religieux à le demander formellement alors que cet enseignement fait partie des programmes que l’Education nationale doit assurer».

Du côté de la Guyane, un régime particulier est en place, et la loi du 9 décembre 1905 y est étrangère. La réflexion de la commission porte sur l’évolution de nombreux groupes religieux, dont notamment les Evangéliques, Pentecôtistes, Baptistes, Adventistes, Quakers, Salutistes, Témoins de Jéhovah, et Mormons. La religion catholique qui est toujours majoritaire, est de plus en plus concurrencée. Pour la commission, «cette prolifération [de nouveaux courants religieux], impose d’envisager avec prudence l’élargissement à d’autres confessions du statut particulier dont bénéficie le culte catholique. Il conviendra en effet, dans le respect de la neutralité de l’Etat, de définir les règles permettant de déterminer quels seront les cultes pris en charges. (…) La commission suggère que soit organisée au plan local une concertation entre les cultes et les pouvoirs publics permettant d’engager une réflexion sur les perspectives d’évolution du système des cultes en Guyane».

L’heure du choix approche

Il serait difficile d’occulter cette réalité: le rapport commandité par le président de l’UMP, est ostensiblement favorable à l’ensemble des dénominations évangéliques. Du reste, sa date de publication, à quelques mois des élections présidentielles, n’est certes pas un hasard du calendrier. Politique électoraliste ou conviction de cœur de la part de Nicolas Sarkozy, il appartient à chaque chrétien d’en juger. Quoi qu’il en soit, l’exécution des décisions du rapport, solutionnerait un certain nombre de problèmes rencontrés par les mouvements évangéliques.

Paul Ohlott