Fondateur d’une multinationale de la désintoxication, Lucien Engelmajer est accusé avec quatorze proches d’abus de biens sociaux.
Par Gilbert LAVAL
QUOTIDIEN : mercredi 8 novembre 2006
Villefranche-de-Lauragais envoyé spécial
    
Le fondateur du Patriarche, qui savait désintoxiquer les toxicomanes  n’assistera pas à son procès pour abus de biens sociaux et emploi d  travailleurs clandestins. A 86 ans, Lucien Engelmajer n’a pas eu le courag  de quitter l’Amérique centrale et Belize, dont il est devenu citoyen, pour échapper à deux mandats d’arrêt internationaux. Comparaissent en revanch  depuis lundi huit de ses collaborateurs et six de ses enfants pour complicit  d’abus de biens sociaux, abus de faiblesse, abus de confiance, blanchimen  et recel

Le gourou et «ses brebis égarées»
Liechtenstein. Les 14 prévenus présents se pressent dans une toute petite salle correctionnelle de Villefranche-de-Lauragais (Haute-Garonne). Le professeur de médecine, ex-député RPR, Jean-Paul Séguéla dit «ne pas savoir ce qu'[il] fait» sur le banc des prévenus. Il conteste avoir bénéficié de prêts gratuits du Patriarche à hauteur de 6 millions de francs et nie avoir abusé de la carte bancaire de l’Organisation internationale Lucien Engelmajer. Tel comptable du Patriarche comprend à peine qu’on lui reproche d’avoir puisé sur des comptes au Liechtenstein. Telle autre ne voit pas en quoi masquer des prélèvements par jeux d’écritures constitue une complicité d’abus de confiance. Preuve, selon son avocat, de son innocence, François Engelmajer, un des fils de Lucien, est revenu des Etats-Unis, malgré son mandat d’arrêt, pour «en finir une fois pour toutes» avec la mauvaise querelle qui lui serait faite. Quant aux cinq autres fils et filles du fondateur, plaide Me Simon Cohen : «Pourquoi se seraient-ils interrogés sur la provenance des fonds qui étaient régulièrement virés sur leur compte?» Lucien Engelmajer «était un bon père, voilà tout». Il était surtout un magicien du porte-monnaie en même temps qu’un gourou pour ses pensionnaires (lire ci-dessous).
Liquidités.

Les cures s’avérant efficaces, dons et subventions ont plu sur les 210 centres ouverts dans 17 pays. Comme les 6,6 millions de francs annuels du ministère de la Santé «sans aucun contrôle ni production d’un rapport d’activité», relève la Cour des comptes. Autre rentrée de liquidités : la vente en Europe des 400 000 exemplaires d’ Antitox . Un mensuel conçu et vendu dans la rue par des toxicomanes non salariés. «De l’esclavagisme ?» interroge Me Pesenti, avocat de trente anciens toxicos qui travaillaient à l’oeil. L’instruction indique que 100 millions de francs ont pu circuler entre la Suisse, le Luxembourg ou le Liechtenstein. Il y a aussi la Boère, le château du Patriarche près de Toulouse, au centre d’une galaxie de huit associations en France, 8 sociétés commerciales en Europe et en Amérique et 4 holdings au Luxembourg.

L’inscription du Patriarche au répertoire des sectes dans le rapport parlementaire de 1995 et des plaintes de pensionnaires pour abus de confiance, et même viols, ont enrayé la machine. Le patrimoine immobilier de l’association était passé «de 0 à 41 millions de francs» entre 1993 et 1994. Le procès se poursuit à Villefranche-de-Lauragais pendant une semaine.