L’article L141.6 du Code de l’éducation dispose que "le service public de l’enseignement supérieur est laïque et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse et idéologique ; il tend à l’objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l’enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique". Est-ce seulement le cas ? Peut-on faire appliquer une stricte laïcité à l’université
SûREMENT non, puisque les étals politiques et religieux sont clairement ouverts à l’université ; les étudiants sont adultes, croyants, aux partis pris politiques, économiques et idéologiques. L’UNI est le poupon universitaire de la droite. L’UNEF est assimilée à la gauche. Les croix sont fièrement portées au cou. La Bible et le Coran sont entre les mains de prosélytes convaincus, aux méthodes sournoises et efficientes. Témoins de Jéhovah, évangélistes, mormons, musulmans extrémistes sont dans l’aréopage universitaire. Et chaque confession a sa tactique. Étude biblique entre amis dans le campus universitaire, prière commune dans une petite salle universitaire, réunion pour telle grève d’un syndicat étudiant. Où se situe la laïcité à l’université ? Quand y a-t-il mépris de l’article L141.6 du Code de l’éducation ?
Deux bases juridiques
Lors de la conférence des présidents d’université en septembre 2003, la question de la laïcité à l’université a été posée. À chaque président son approche de la laïcité ? Ce qu’il se dégage de cette rencontre, c’est que les universités sont dotées d’un conseil pour traiter les sujets liés à l’application de la laïcité, le CEVU, Conseil des Études et de la Vie Universitaire. Le Conseil d’administration de l’université garde toutefois le dernier mot, en fonction des décisions de son CEVU.
Par ailleurs, le président de l’université peut décider de la création d’une commission spécifique, disposant d’un statut consultatif. Le président dispose-t-il vraiment de moyens pour assurer l’application du principe de laïcité ? Oui. Par règlement intérieur ou charte d’établissement, le président peut prohiber les actes de prosélytisme, de discrimination ou les campagnes politiques. Ces documents constitueraient une base juridique pour tous contrevenants, étudiants ou personnels universitaires, enseignants et personnels techniques.
Si l’enseignant n’a pas le droit d’exprimer sa croyance religieuse, ce qui constituerait une faute grave, les étudiants, eux, peuvent afficher leur conviction. Mais ce n’est pas un droit absolu ; toute incitation au port de signes d’appartenance religieuse, perturbation des enseignements, provocation, propagande, utilisation de livres religieux ou d’un tapis de prière durant un examen est considérée comme commettre des actes prosélytes, ce qui est formellement interdit dans les établissements scolaires républicains. Alors, le port du voile, les bondieuseries iconographiques, cela porte-t-il atteinte à la laïcité ?
Encore beaucoup à faire
Comment se fait-il alors que des étudiants puissent prier dans certaines universités françaises ? Les universités contrôlent-elles toute émergence de réseaux idéologiques sur ces terres républicaines ? Les universités peuvent financer des manifestations, d’autres religieuses. "Rien n’interdit a priori cette situation. Cependant, il est difficile d’accepter que des subsides s’inscrivant dans le cadre du service public de l’enseignement supérieur aillent soutenir ceux qui délibérément ou subrepticement entendent mettre à mal l’idéologie de ce service public. Les présidents devraient donc mettre en place les conditions nécessaires à la prévention de telles dérives, en faisant définir des critères à l’attribution de crédits du FSDIE, approuvés par le CEVU et le CA. Par ailleurs, l’université a la possibilité, dans le cadre de sa politique culturelle et sociale, de privilégier certaines actions : lutte contre les discriminations, promotion de l’égalité entre les sexes… Cette politique peut, par exemple, être définie dans son règlement intérieur", lit-on dans le document de synthèse de la conférence des présidents d’université. Alors, doit-on imaginer le nombre de groupuscules dangereux qui rôdent dans nos universités !
Dossier réalisé par Pascal David, Stéphanie Longeras, Jean-Fabrice Nativel, Willy Técher et Alain Ilan Chojnow.