Le Message à toutes les obédiences Maçonniques Françaises , diffusé par Mwinda, a suscité beaucoup de questions et de réactions, dont celle de savoir si la Franc-Maçonnerie est une secte.
Et au moment où des gens sont si souvent à la recherche d’une spiritualité qui conduit les uns vers la Franc-Maçonnerie et les autres vers certaines sectes, il m’importe en ma qualité de Franc-Maçon de bien expliquer en quoi la Franc-Maçonnerie diffère essentiellement des sectes.
Bien entendu il ne peut s’agir ici d’ouvrir une polémique contre les sectes ni de dresser un catalogue complet de ces dernières et de leurs croyances. Mon intervention consiste simplement à montrer les profondes différences qui existent entre un groupe sectaire, quel qu’il soit, et une loge maçonnique, afin que personne ne soit tenté d’attendre de moi ce que je ne peux donner.
Un mot tout d’abord sur une ressemblance qui a sans doute joué son rôle dans la confusion entre le phénomène sectaire et les loges au point que certains anti-maçons du XIXe siècle ont pu parler de Secte maçonnique ou encore de Secte des Francs-Maçons.
Par son incontestable dimension communautaire et fraternelle la Franc-Maçonnerie peut en effet donner toutes les apparences d’une secte. Une loge digne de ce nom est en effet une véritable famille dans laquelle chacun est appelé à se soucier de son frère et éventuellement l’aider à porter ses fardeaux.
Dans un monde comme le nôtre où les grandes concentrations humaines isolent de plus en plus les individus, la fraternité et les partages de toutes sortes qu’elle implique sont ressentis comme des besoins. D’où le succès aujourd’hui de tout groupe proposant de faire sortir l’homme de son isolement, objectif que la Franc-maçonnerie et les sectes ont réellement en commun. Mais c’est bien là le seul, et il ne faut pas s’y tromper.
Par nature même, la démarche maçonnique est fondamentalement différente de la démarche sectaire. Avec plus ou moins de fanatisme, en effet, chaque secte propose à ses adeptes une doctrine faisant appel à une foi religieuse. Par l’obéissance à cette doctrine, elles promettent le bonheur sur la terre (accessoirement) et dans l’au-delà.
J’ouvre une parenthèse pour faire remarquer au passage d’une part que le mot secte vient du mot latin « Secare », couper et d’autre part que les quelques lignes définissant la secte pourraient aussi bien s’appliquer à une église. Cela dit non pas dans un but polémique mais simplement pour montrer combien il est difficile, en termes laìcs et par voie de conséquence, juridiques de distinguer une secte d’une Eglise. D’ailleurs les Sectes sont des « églises » coupées d’une Eglise-Mère.
Il doit donc être clair que le problème des sectes ne peut relever que de la conscience individuelle. La liberté de pensée, l’adhésion à une doctrine religieuse quelle qu’elle soit, si elle regarde donc la conscience de chacun, ne saurait se confondre avec l’entrée en Franc-Maçonnerie.
Celle-ci n’a d’ailleurs aucune doctrine à enseigner, tout au plus possède-t-elle une Tradition, des règles de fonctionnement et des rituels d’initiation. Soit, dira-t-on ! Mais n’est ce pas une manière d’avoir quand même une doctrine, une manière pernicieuse même parce qu’inavouée ? Ceux qui ne connaissent pas les Francs-Maçons ou prétendent les connaître, peuvent bien entendu le croire.
Tel n’est, en tout cas, pas mon sentiment. Aucun Franc-Maçon tant soit peu averti de la réalité initiatique n’oserait prétendre enseigner à autrui des vérités extérieures à lui. Le rite initiatique en effet n’apporte rien à l’individu qui n’existe déjà en lui-même. Il ne met en lumière que des vérités dont l’initié est déjà porteur.
Ce qu’est l’initiation maçonnique
C’est un processus long et permanent par lequel le Franc-Maçon prend conscience de ce qu’il est réellement et accède ainsi à la véritable liberté dans ses pensées et dans ses actes. Elle est aussi la mise en chemin qui prétend aller vers la lumière et s’ouvre en tout cas sur la lucidité.
En effet, nous savons aujourd’hui que, en plus des obstacles extérieurs à la liberté individuelle, il existe des obstacles intérieurs, à savoir : les motivations inconscientes de l’individu résultant de sa propre histoire et du conditionnement engendré par son milieu de vie.
En effet, tant que ces profondeurs de la personnalité ne sont pas perçues par la conscience, elles déterminent dans une large mesure nos pensées et nos actes auxquels, sans cette perception de leur origine réelle, nous trouvons toujours des justifications d’apparence suffisamment rationnelle pour nous illusionner sur leur bien-fondé.
L’initiation maçonnique consiste précisément en l’abolition de ces déterminations par une évolution psychologique fondée principalement sur la connaissance de soi. De cette évolution nécessairement personnelle, singulière (difficilement perceptible même par le Franc-Maçon, à la fois objet et sujet de cette transformation) qui s’opère au sein de la Loge découle le véritable caractère ésotérique de l’initiation maçonnique.
Attention ! Il s’agit ici d’un ésotérisme au sens propre, car il porte sur un phénomène qui n’est pas communicable à l’extérieur parce que se référant à une réalité, une expérience intime que le langage ne peut restituer à quiconque n’a pas vécu le même processus intérieur. Par conséquent, toute assimilation de cet ésotérisme « naturel » à l’occultisme constituerait une défiguration majeure de l’initiation maçonnique. En effet, celle-ci n’est pas, comme l’occultisme, l’accession à un corps défini de connaissances cachées sur la Nature ou sur une Surnature ou de techniques d’action sur la Nature basée sur une force surnaturelle ou non, protégée par un secret.
La finalité de la Franc-Maçonnerie est la lumière
Que ceux qui affirment soit par malhonnêteté intellectuelle soit avec une grande légèreté que la Franc – Maçonnerie dont le Saint-Patron est Saint Jean-Baptiste (comme Sainte Cécile est celle des musiciens, ou Saint Luc, celui des médecins), est une « organisation dangereuse, sulfureuse et surtout diabolique » sachent qu’elle est une Institution essentiellement philanthropique, philosophique et progressive, qui a pour objet la recherche de la vérité, l’étude la morale et la pratique de la solidarité ; elle travaille à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’Humanité.
Elle a pour principes : la tolérance mutuelle, le respect des autres et de soi-même, la liberté absolue de conscience. Considérant les conceptions métaphysiques comme étant du domaine exclusif de l’appréciation individuelle de ses membres, elle se refuse à toute affirmation dogmatique. Elle a pour devise : Liberté, Egalité, Fraternité.
On ne s’étonnera donc de ne point trouver en Franc-Maçonnerie de « MAITRE » à penser, autre différence importante par rapport aux sectes. Certes le rayonnement spirituel et intellectuel de certains Francs-Maçons (Mozart, Voltaire, Diderot, Victor Hugo, Condorcet, Lamartine, Victor Schoelcher, Félix Eboué, Edouard Renard, Abdel-Kader, Savorgnan de Brazza, Georges Washington, Marthin Luther King, John Wayne, André Matsoua, Lazare Matsocota, Joseph Pouabou, Pierre Félicien Nkoua, Mvouama, Nelson Mandela etc.) est quelquefois tel qu’il les détache de l’ensemble pour les transformer en points de référence, voire de guides. Cependant aucun d’entre eux n’a jamais prétendu incarner la Franc – Maçonnerie à lui tout seul et jamais une Obédience ne les a érigés en penseurs officiels.
En fait les grands Francs – Maçons, que ce soit par leur exemple ou par leurs ouvrages, jouent un rôle analogue à celui du rite. Ils ne font que provoquer et stimuler une réflexion, ils n’apportent ni dogmes, ni croyance. Il en va de même pour ceux qui exercent des responsabilités au service de la Loge et de l’Obédience. Leur responsabilité consiste tout simplement à veiller à ce que tout se passe conformément à la Tradition et aux règlements. Ils ne définissent aucune doctrine et ne délivrent aucun mot d’ordre.
Ce que nous voyons de la grande majorité des sectes nous révèle de leur part une attitude bien différente. Celles-ci pratiquent l’intervention à haute dose dans tous les domaines de la vie de leurs membres, mêmes au niveau de la vie privée. Là, en effet, il ne s’agit pas de faire s’épanouir des personnalités dans une diversité enrichissante, au contraire on supprime les individualités pour parvenir à un modèle unique correspondant à l’aliénation la plus compète, à la « possession » même pourraient dire certains.
Ce qu’un homme pourra porter en lui d’original effraiera toujours une secte. Elle s’efforcera alors d’amoindrir, sinon de détruire, toute forme d’originalité alors qu’au contraire l’initiation maçonnique s’efforcera de la développer.
Que ceux qui se sentent en mal d’Eglise et qui souffrent du manque de fraternité humaine ne se trompent donc pas de porte. Si ce sont là leurs seules motivations, seules les sectes pourront leur apporter quelques satisfactions qui rapidement seront très chèrement payées. Si, par contre, ils ont en plus une soif de connaissance et de recherche de la Vérité, exigeante et surtout lucide, ils peuvent alors tenter de frapper à la porte de nos temples (lieux de réunion).
Ils n’y trouveront, s’ils sont admis, aucune doctrine toute faite. On ne leur apprendra aucun catéchisme. On ne leur apprendra pas des choses dangereuses dont le sacrifice humain. On ne leur apprendra jamais à vénérer et adorer Satan. Ils seront simplement placés sur un chemin que d’autres ont parcouru avant eux et ils devront avancer seuls. Ils ne seront pas invités à découvrir la pensée de gourous proches ou lointains. Ils iront à la découverte d’une réalité à la fois précieuse et plus mystérieuse : eux-mêmes.
La finalité de la Franc-maçonnerie qui a pour base exclusive et intégrale la Fraternité avec tout ce qu’elle inspire de mansuétude, de tolérance et d’amour, est donc la lumière, c’est-à-dire l’éveil, l’état de l’homme qui agit au lieu de réagir. Mais dans les faits, il faut bien constater que la Franc- Maçonnerie est rarement vécue dans cette perspective. En effet, les hommes même bons et généreux, ne deviennent pas des Francs – maçons du seul fait de revêtir un tablier, même si celui-ci est somptueusement orné.
Ils gardent leurs préjugés et leurs structures mentales façonnées par le milieu ambiant. Ils demeurent pour le plus grand nombre, des profanes. Ils vont dans une Loge, comme dans un « nganda », comme dans un « mouziki », comme dans un club ; ils y trouvent des amis et une atmosphère particulière, parfois enrichissante.
Ils projettent dans la Loge leurs phantasmes, leurs obsessions et leurs désirs sans s’être jamais interrogés sur eux-mêmes. Certains trouvent même dans le système des « grades » et dans la hiérarchie des Obédiences, l’occasion de compenser des frustrations sociales ou familiales. C’est le cas de certains Francs – Maçons, qui une fois initiés, se sont empressés de devenir Grands Maîtres, ou d’utiliser la Franc – Maçonnerie comme faire-valoir, comme piédestal, pour assouvir leur vengeance ou atteindre leurs ambitions personnelles.
Ceux-là sont « des pourceaux auxquels on a jeté des perles » ; ceux-là ont une influence négative : par leur comportement, ils jettent l’opprobre sur la Franc – maçonnerie ; ils perdent de vue et font perdre de vue l’enseignement reçu. Il est temps pour eux de partir de la Franc – Maçonnerie qui n’est pas faite pour les petits hommes, rancuniers, méchants, haineux, jaloux, envieux, meurtriers ; l’initiation n’est pas accessible aux petits esprits.
Ils sont donc loin d’être les francs-Maçons dont rêvait le poète Lamartine qui affirmait : « … Les Francs-Maçons, vous n’êtes selon moi que les grands éclectiques du monde moderne, vous prenez dans tous les temps, dans tous les pays, dans tous les systèmes, dans toutes les philosophies, les principes évidents, éternels et immuables de la morale universelle, et vous en faites le dogme infaillible et unanime de la fraternité. Vous écartez tout ce qui divise les esprits, vous professez tout ce qui unit les cœurs, vous êtes les fabricants de la société ».
Je me montrerai, sans toutefois cautionner leur manière d’agir ou de vivre, plein d’indulgence à l’égard des défauts de tous ces Francs – Maçons qui n’ont rien compris. Car l’homme est toujours imparfait. L’homme reste un loup pour l’homme, malheureusement. Il faut donc éviter de s’arrêter aux faiblesses d’autrui ; discernons plutôt les qualités des autres Francs-Maçons qui sont les plus nombreux. Pour me résumer, la Franc-Maçonnerie, à l’issue de l’apprentissage initiatique doit tendre vers « l’Homme ». Car en fin de compte, si l’objet même de la Franc-maçonnerie peut être aisément compréhensible, à quoi, sert-elle, si ce n’est à faire des Franc-Maçons, des personnes différentes. La Franc-Maçonnerie sert à passer du verbe Avoir au verbe Etre. Elle sert aussi à combattre la tyrannie, l’ignorance, les préjugés et les erreurs ; on y glorifie le droit, la justice, la vérité, la raison. On y élève des temples à la vertu, et l’on y creuse des cachots pour les vices. Autrement dit, elle permet de cesser d’être un individu, une personne quelconque, pour devenir quelqu’un, d’abandonner la condition d’objet pour devenir sujet. Entrer en Franc – maçonnerie, c’est vouloir sortir du domaine de la loi profane, celle qui verbalise des éléments inacceptables pour la société, pour entrer dans celui de la loi morale. L’initié sort de sa vie pour entrer dans la Vie. S’extraire de soi pour devenir Homme, voilà le véritable objectif individuel de la Franc-Maçonnerie.
Moi, je suis fier d’être Franc-Maçon. La Franc-Maçonnerie ne m’a pas fait Assassin, Voleur, Méchant. Menteur, Profiteur, Rancunier et Jaloux. Elle m’a fait plutôt Tolérant, Altruiste, Croyant, Déiste, Chrétien et HOMME.
Jean-Louis Mweti-Loubouétété, Franc-maçon congolais