EXORCISMES

"C’est presque toujours la même histoire, raconte un responsable d’ONG (organisation non gouvernementale). L’oncle ou le beau-père qui a recueilli l’enfant cherche à s’en débarrasser parce qu’il ne peut plus assumer. Il cherche un argument pour justifier sa mise à l’écart et trouve un pasteur qui lui en donne un : cet enfant est un sorcier."

Les enfants, en particulier ceux qui souffrent de troubles du comportement, ont supplanté les vieilles femmes comme cibles des accusations de sorcellerie, explique HRW. Qu’un malheur déferle sur une famille, et voilà cloué au pilori l’enfant turbulent, énurétique ou issu d’un premier lit. Si le sida contamine un de ses parents, c’est qu’il le lui a transmis. Le voilà non seulement orphelin mais rejeté. Les accusations de sorcellerie visant les shégués ont prospéré au rythme de la prolifération des "Eglises de réveil", spécialisées dans l’exorcisme des esprits maléfiques. Leurs pasteurs autoproclamés exigent une rémunération non seulement pour désigner qui est sorcier dans une famille, mais aussi ensuite pour "délivrer" l’enfant concerné.

"Nous n’avons pas eu le droit de manger pendant trois jours, a expliqué Bruno, 12 ans, à HRW. Le quatrième jour, le prophète a placé nos mains au-dessus d’un cierge pour nous forcer à avouer." Enfants fouettés, contraints à marcher sur des tessons de bouteilles, enfermés dans le noir : les témoignages sur les mauvais traitements convergent. Comme ceux sur la faillite des institutions – école, services sociaux, justice – qui pourraient limiter les dégâts.

Pourtant, la bombe sociale que constituent ces bataillons de jeunes violents et désespérés n’a guère été évoquée pendant la campagne électorale. Dans un Congo occupé à survivre et où tout est à reconstruire, y compris la dignité des populations, les shégués ne suscitent guère de compassion. Plutôt la colère et l’angoisse.

extrait de l’article du monde 16/11/2006