La «Gazet van Antwerpen» levait le lièvre à la fin de la semaine dernière en révélant que l’association de protection animale Gaia était reprise sur une liste établie en interne par et pour la police d’Anvers.

 

Il s’agit d’un inventaire, qu’on connaît maintenant de façon intégrale, de groupes «extrémistes» et «terroristes» dont l’existence n’était pas censée être dévoilée au public, ni aux intéressés. Mais si, du côté judiciaire, le procureur du roi anversois, Bart Lijsebeth, a tiré de cette révélation un certain dépit, on peut pourtant se demander si, tout au contraire, elle n’est pas à mettre au crédit de la presse. Car la liste pose problème…

 

Si on peut comprendre l’intérêt des policiers pour les bandes organisées (la liste comporte les Outlaws, les Hell’s Angels, etc.), pour des extrémistes condamnés comme Herbert Verbeke (un négationniste récidiviste), pour des sectes (Scientologie, Raël, etc.), les choses prennent un tour plus incertain pour de supposés mouvements musulmans terroristes, précisément parce qu’il s’agit de suppositions loin d’être avérées.

 

Et tout devient franchement discutable quand on constate que Gaia, une association qui s’est spécialisée dans la défense des animaux (en y obtenant des succès judiciaires) jouxte les Verbeke et les Hell’s, et carrément stupéfiant quand on voit que l’éditeur EPO est lui aussi repris sur la liste, ainsi que des médecins et mêmes des avocats qui ont pour seul point commun une réputation d’être politiquement orientés à gauche, voire très à gauche. Ce qui n’est pas interdit, autant qu’on sache, dans les démocraties.

 

Il s’agit ainsi de l’avocat Jan Fermon (et de ses confrères du bureau «Progress Lawyers Network»), connu pour ses interventions à la défense de Roberto D’Orazio (forges de Clabecq), de Laetitia Delhez (affaire Dutroux), connu aussi en qualité de conseil de Tiny Mast, la mère des disparus Kim et Ken, mais également du spécialiste «anti-sectes» français Jean-Marie Abgrall, connu encore pour sa participation au «premier procès Rwanda» (en 2001 à Bruxelles) et on en passe.

 

Un dangereux terroriste, Me Fermon? Sans doute défend-il aussi Fehriye Erdal, suspectée d’appartenir à un mouvement terroriste kurde, mais n’est-ce pas le rôle de l’avocat de défendre tous azimuts?

 

Bref, comme Gaia avant lui, Jan Fermon enrage et, avec ses confrères, vient d’envoyer une lettre ouverte au bourgmestre d’Anvers, Patrick Janssens, ainsi qu’aux ministres de la Justice et de l’Intérieur. Lundi, il indiquait à La Libre que, entre autres «ce fichage illégal et scandaleux nous inquiète beaucoup parce qu’il contient toute une série d’organisations placées sous surveillance qui de toute évidence n’ont rien à voir avec des activités criminelles».

 

Et parce que «l’amalgame entre terrorisme et dissidence politique conduit à des atteintes très graves au droit à la vie privée». De surcroît, Me Fermon y voit «l’illustration que des moyens publics de plus en plus importants accordés à la police sont détournés pour espionner des personnes avec des activités qui «dérangent».

 

Il estime enfin que les explications de la police d’Anvers, disant que la liste n’était pas utilisée, sont «absurdes» et pense qu’elle servait à une surveillance organisée.

 

© La Libre Belgique 2005