PARIS, 5 déc 2006 (AFP) – Un couple d’anciens adeptes de la communauté deTabitha’s place ont raconté mardi devant la commission parlementaire d’enquêtesur les sectes leurs conditions de vie et celles de leurs enfants pendant lescinq ans et demi passés à Sus-Navarrenx (Pyrénées-atlantiques).

Ce couple d’une quarantaine d’années, qui a demandé l’anonymat, est arrivé à Tabitha’s place en décembre 1998, pour "une visite de quatre jours" et en est parti en juillet 2004 avec ses quatre enfants (le dernier étant né pendant leur séjour).

Le père était cordonnier-bottier en Isère et a rencontré la secte par hasard à l’occasion d’un salon où les adeptes exposaient des objets de sellerie de leur fabrication. Ils ont sympathisé, parlé artisanat puis valeurs morales, sens du partage, etc., et ont été invités à venir à Tabitha’s place.

Au bout de quelques jours, le père a pris la décision de rester sur place avec femme et enfants (entre 17 mois et quatre ans et demi). Depuis plusieurs années, il était "habité par le désir de vivre l’Evangile". Sa femme semble avoir été nettement moins enthousiaste, disant qu’elle s’était crue au Moyen-Age.

Ils ont détaillé l’emploi du temps des adeptes : lever à 5 heures, une heure d’aérobic, lever des enfants, 6H prière en commun, 7H petit déjeuner (millet et oignon cru), travail, 12H30 déjeuner (riz complet, légumes du jardin, oeufs quelquefois, yaourt et dessert le jour de shabbat), travail l’après-midi, une
heure de prière, dîner, travail à nouveau…

Ils ont tous les deux insisté sur l’extrême sévérité de l’éducation des enfants qui "doivent obéir au premier commandement", sinon ils sont frappés à coup de canne d’osier. Les enfants sont convaincus de leur devoir d’obéissance au point qu’ils en viennent à réclamer eux-mêmes la punition quand ils ont
"mauvaise conscience".

C’est d’ailleurs la rebellion de leur fils qui a servi de déclencheur : l’enfant avait refusé de réclamer la punition, il a donc été exclu de la classe et son père, qui lui donnait raison, a été prié de s’en occuper lui-même. La mère étant également tenue plus ou moins exclue, la famille s’est retrouvée
ensemble, hors de la présence constante des autres adeptes, "a pris le temps de
réfléchir" et décidé de partir.

Il a encore fallu plusieurs mois pour réussir à sortir de là, ce qui "n’est pas facile quand on n’a plus d’argent, que la famille n’est pas forcément prête à vous aider après ces années de séparation", a dit le père. Ils ont ainsi laissé entendre qu’ils avaient perdu leur patrimoine dans l’aventure, sans toutefois donner de détails car une procédure judiciaire est en cours.

La famille vit maintenant en Bretagne. Les enfants ont quelques problèmes scolaires et relationnels. Ils ne parlent que très rarement de leur séjour à Tabitha’s place, ont dit les parents.

C’est dans cette communauté de Tabitha’s place qu’une délégation de la commission a fait le 21 novembre une visite surprise. Elle y avait rencontré un groupe d’enfants vivant "coupés du monde", selon l’expression du président de la commission Georges Fenech.

Le couple d’anciens adeptes a confirmé l’isolement des adultes et des enfants, qui ne sortent pas de la propriété dont les portes sont pourtant ouvertes : ils ont été convaincus que le monde extérieur est dangereux et qu’il vaut mieux rester au sein de la communauté.
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