Jean-Michel Roulet, président de la Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), réagit au rapport de la commission parlementaire sur les sectes

>> Les enfants proies des sectes : est-ce un phénomène récent ?
Les organisations sectaires ont longtemps ignoré les enfants, mais elles ont évolué. Les mouvements se développent dans les secteurs comme le soutien scolaire ou les loisirs. Pour les sectes, ils représentent une porte ouverte vers les profits financiers. Plus un adepte est jeune, plus il est soumis. Du coup, même les vieilles organisations s’intéressent aux mineurs. Par exemple, avec l’association internationale des jeunes pour les Droits de l’Homme qui n’est autre que la Scientologie.

>> Le chiffre de 80 000 paraît énorme
C’est une fourchette. Certains sont dramatiquement dans le phénomène sectaire et sont déjà détruits. D’autres sont en contact et courent un risque plus mineur. Sur les 50 000 à 80 000 enfants exposés, s’il y en a 1 % en grave danger, c’est-à-dire 500 ou 600 enfants, cela justifie que le Parlement s’en soit occupé.

>> Les Témoins de Jéhovah sont visés dans le rapport parlementaire car ils refusent la transfusion sanguine pour leurs enfants
Il n’est pas question de juger le fait que les Témoins de Jéhovah pensent que le sang est sacré. En revanche, imposer le refus de soin, en invoquant des principes moraux est une dérive sectaire. Sur les enfants, ils sont prudents : ils ont compris qu’il y avait non-assistance à personne en danger, et ils se dessaisissent de leur autorité parentale auprès d’un médecin ou du procureur de la République qui décide à leur place. Le rapport propose que l’on passe outre la décision la décision des parents.

>> Pourquoi l’Education nationale n’arrive-t-elle pas à protéger les enfants ?
Elle y parvient assez bien quand les enfants sont scolarisés. En revanche, elle a une obligation de contrôle sur les enfants scolarisés à domicile. Jusqu’à présent, ces contrôles étaient toujours annoncés, donc inefficaces. Ils seront dorénavant inopinés.

>> Quelles sont les propositions les plus importantes ?
Toutes. Le Parlement a répondu à une urgence. En se mobilisant, il alerte l’opinion publique. Des gens prennent conscience des risques et d’autres signalements vont donc remonter jusqu’à nous.

Recueilli par Nathalie Mauret à Paris

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Les enfants, premières victimes des sectes

Les parlentaires, qui ont présenté hier leur rapport intitulé «L’enfance volée, les mineurs victimes des sectes», mettent particulièrement en cause l’«enfermement» imposé aux enfants par certaines communautés et la négligence des pouvoirs publics

Des dizaines de milliers de mineurs sont « en situation de danger » du fait de l’activité des sectes et les pouvoirs publics font preuve de « négligence » dans ce domaine : c’est le constat accablant dressé par la commission d’enquête parlementaire sur les sectes dans son rapport intitulé « L’enfance volée, les mineurs victimes des sectes ».
« Les sectes en elles-mêmes ne nous intéressent pas », a déclaré hier lors de la présentation de ce rapport Georges Fenech, député UMP du Rhône et président de la commission. « Notre souci ce sont les dérives sectaires et la protection des populations vulnérables », particulièrement les mineurs.

Les membres de la commission parlementaire se sont donc préoccupés de ces mineurs « auxquels on vole leur enfance » du fait de l’endoctrinement, des conditions de vie précaire, du manque de suivi médical, de la scolarisation hasardeuse. Ils mettent particulièrement en cause l’« enfermement » imposé par certaines communautés, où les enfants des adeptes vivent dans la crainte du monde extérieur et deviennent incapables de s’y adapter s’ils décident de quitter la secte.

Pour la commission, l’administration est coupable de « négligence, voire de complaisance » à l’égard des dérives sectaires. Ils estiment en particulier, instruits par leur récente visite dans la communauté biblique de Tabitha’s place, que le contrôle de la scolarisation de ces enfants est insuffisant car il n’analyse pas les « conditions d’épanouissement de la personnalité ni la préparation à la citoyenneté ». Ils s’alarment aussi du manque de contrôle des organismes de soutien scolaire privés, dans lesquels peuvent se glisser des prosélytes.
Ils s’étonnent enfin du flou qui entoure la profession de psychothérapeute – faute d’un décret d’application – laissant le champ libre aux gourous. Mais leur cible principale est le bureau central des Cultes du ministère de l’Intérieur, qui attribue le statut d’association cultuelle. Ce viatique donne droit à des exonérations fiscales mais, estime la commission, c’est aussi un certificat de vertu utilisé à des fins de prosélytisme.

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Cinquante propositions
Le rapport de la commission parlementaire comporte 50 propositions relevant principalement de quatre administrations : Education, Santé, Intérieur et Justice. L’une des propositions les plus attendues, annoncée hier par les parlementaires, est la possibilité pour les grands-parents de pouvoir saisir le juge des enfants lorsque la santé, la moralité et la sécurité de leurs petits-enfants est en danger du fait d’une dérive sectaire. Concernant les transfusions sanguines, les médecins pourront passer outre la décision des parents.

Un certain nombre de propositions visent aussi à rendre plus faciles et moins réglementés les contrôles sur les courts séjours en centre de loisirs ou les enfants scolarisés à domicile (en cas de maladie, handicap, déplacement de la famille), etc. Les enseignants seront aussi mieux formés pour repérer les enfants qui subissent une influence sectaire.
> Liste complète des mesures sur le site de l’Assemblée (www.assemblee-nationale.fr)