Le Soir 2 juin 2006

La Cour de cassation confirme l’immunité absolue des parlementaireset du parlement en tant qu’institution. Pas étonnant ? Une brèche avait quand même permis, en 2005, à une cour d’appel de condamner la Chambre pour un rapport pondu sur les sectes. Dans son arrêt rendu hier après-midi, la haute cour a cassé cet arrêt historique de la cour d’appel de Bruxelles du 28 juin 2005. Le président de la Chambre, Herman De Croo, offusqué à l’époque, devrait être rassuré.

Rappel des faits.

Le 28 avril 1997, la Chambre des représentants dépose son rapport sur les sectes. L’Église universelle du royaume de Dieu s’y voit décrite comme une « véritable association criminelle ». Cette Église
n’apprécie guère et elle saisit la justice en attaquant l’État belge représenté par le président de la Chambre.

Le 28 juin 2005, la cour d’appel de Bruxelles donne raison à la « secte » estimant que « cette dégradation de l’image sociale d’une association (l’Église, organisée en ASBL), provoquée par un rapport négligent, constitue un dommage certain », écrivait l’arrêt. Qui condamnait l’État belge à publier un message rectificatif dans « Le Soir ».

Furieux, le président de la Chambre, Herman De Croo, a introduit un pourvoi en cassation. À l’époque, il nous déclarait : « Ceci est d’une gravité colossale pour l’immunité absolue du parlementaire. Si
la Chambre est définitivement condamnée, je m’en vais car ce serait la fin de l’indépendance parlementaire. »

Le constitutionnaliste et sénateur Francis Delpérée ajoutait : « L’arrêt de la cour d’appel est inconstitutionnel en ce qu’il enfreint le principe de l’immunité absolue du parlementaire. »

Quelle immunité ?

La Cour de cassation, saisie du pourvoi du président de la Chambre, se trouvait donc sur le fil de l’indépendance des pouvoirs (législatif et judiciaire). La Constitution prévoit en effet que le
pouvoir judiciaire est compétent pour les contentieux de droit civil, mais l’article 58 de cette même Constitution reconnaît aussi une immunité pour les parlementaires.

La haute cour devait cependant éclaircir la portée de cette immunité. Est-elle absolue, excluant ainsi toute possibilité de déclaration de culpabilité ? Ou alors, est-ce une immunité personnelle ? Ce qui
protégerait le parlementaire mais n’exclurait pas une reconnaissance de responsabilité dans le chef de l’État, en tant qu’institution.

La Cour a opté pour l’immunité absolue.
JEAN-PIERRE BORLOO