COTONOU, 15 juin 2006 (AFP) – Les églises pentecôtistes se multiplient au Bénin, s’appuyant sur les frustrations et les espoirs d’une population appauvrie, mais elles sont souvent dirigées par des charlatans résolus à faire fortune.

"Convention des tabernacles", "Convention des vainqueurs", "Soirée des miracles": les rues de Cotonou, capitale économique du Bénin, sont couvertes de banderoles conviant les fidèles aux prêches de pasteurs de toutes obédiences, venant surtout du Nigeria voisin, riche en "prophètes", "évangélistes" et "thaumaturges", promettant des guérisons miraculeuses en direct.

Des foules, majoritairement féminines, se pressent à ces réunions de prière qui durent des heures et sont organisés comme des shows à l’américaine: fortement sonorisés et encadrés par des services d’ordre en uniforme.

Au quartier Midombo, dans le centre de Cotonou, une Mercedes dernier cri est garée devant un ancien garage repeint en blanc. A l’intérieur, fusent des alléluias et les fidèles en transe écoutent le prêche.

"Nous sommes au moment de l’effusion du Saint Esprit qui descend maintenant sur vous", assure Mishake Okwronko, pasteur nigérian du Christ Libérateur, une église créée en décembre dernier.

Quelques minutes plus tard, plusieurs fidèles commencent à se rouler dans le sable, pendant que d’autres sont pris de convulsions.

"Le rite de l’effusion de l’esprit permet d’exorciser en nous le mal et de vivre dans l’esprit saint", explique Jean, un des fidèles.

"Avant j’étais catholique, mais en 2003 j’ai reçu la visite du Seigneur au cours d’une campagne d’évangélisation où des gens ont été guéris de maladies incurables comme le sida, le cancer et des paralysés qui ont marché. Alors j’ai vu la puissance de Dieu", raconte le jeune homme.

Pour Anne Marie, 38 ans, c’est le désir d’enfant qui l’a poussée au temple: "avant je courais d’homme en homme jusqu’à ce que j’en rencontre un qui voulait se marier, mais seulement si j’étais enceinte de lui".
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Pendant cinq ans, j’ai tout fait pour avoir un enfant, mais les médecins m’ont dit que mes avortements passés m’en empêchaient", dit-elle, ajoutant qu’un jour "une amie m’a emmenée à une croisade et j’ai été guérie par le Seigneur qui m’a demandé de ne plus avorter et de me consacrer à lui. Trois mois après ma conversion j’étais enceinte".

Le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’entre janvier et décembre 2005, 182 associations et regroupements religieux évangéliques ont demandé et obtenu l’autorisation d’exercer sur le territoire béninois. Une tendance entamée il y a vingt ans.

"La ruée vers les églises évangéliques est due au fait que les pasteurs jouent sur les cordes sensibles des fidèles, épuisés par la situation économique désastreuse du pays", observe le sociologue béninois Mathieu Ganhatin, qui a soutenu une thèse de sociologie sur les sectes au Bénin.
"Ces personnes appauvries n’ont d’autre secours que la religion. +Semez et vous récolterez+ disent-ils, en invitant les gens à donner un peu d’argent", ajoute-t-il.

D’autres, explique le chercheur, préfèrent "transformer leur salon en temple de prière et ouvrir leur sac pour qu’y tombe la +manne+".

"La religion devient comme une potion magique. Malheureusement, les patients ne guérissent pas toujours, mais ils enrichissent assurément le pasteur", regrette-t-il.

L’énergie qui se dégage des rites – plus animés que ceux du catholicisme par exemple – mais aussi les règles de vie imposées aux ouailles dans une société destructurée, permettent à ces pasteurs de réussir certains projets qui passent pour des miracles.

"C’est du matraquage psychologique: on vous fait croire au miracle en vous montrant des "paralytiques" qui marchent et des "aveugles" qui voient, mais il reste à déterminer quel était le véritable état des patients soi-disant guéris", souligne le psychiatre Gaël Hounkpè.

"Mais ceux qui assistent à de telles guérisons croient ce qu’ils voient. C’est de l’autosuggestion", explique-t-il.
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