{{Cette phrase surprenante a été prononcée hier par Hélène Cardin sur France-Inter, lors de l’émission Inter-Activ. Elle me paraît illustrer le malaise de l’information qu’a révélé avec force la nouvelle grippe A/H1N1}}

Churchill ne croyait qu’aux statistiques “qu’il avait falsifiées lui-même”. Dans le débat sur la vaccination contre la grippe A, je crois n’avoir jamais entendu autant de déraison. Un long passé sur internet m’a permis de me mesurer depuis 10 ans aux “antivaccinaux primaires”. Leur discours enflammé a envahi les forums dès 1996 et notamment les miens. J’ai débattu avec eux avec difficulté pour aider les autres lecteurs à s’y retrouver dans un mélange de craintes injustifiées mais aussi de quelques réticences fondées (à l’époque, l’obligation du BCG, vaccin très contestable). Je peux difficilement être suspecté de complaisance à leur endroit et ils me détestent cordialement.

Mais depuis la campagne de vaccination contre la grippe A, la déraison n’est plus unilatérale. Elle signe une certaine faillite du journaliste traditionnel et explique le succès du journalisme citoyen qu’incarne Agoravox. Censés apporter la valeur ajoutée de leur expérience, de leur éthique, les journalistes professionnels se révèlent souvent incapables de remplir cette mission. Hélène Cardin travaille depuis plus de 20 ans dans la santé, a côtoyé les plus grands médecins. Elle est la référente santé de la grande radio nationale qu’est France-Inter.

Or, en quelques interventions glissées dans un débat animé par Nicolas Demorand, elle arrive à sortir trois énormités.

Bien sûr qu’il n’y a pas un médecin français sur 50 qui est membre d’une secte antivaccinale. Il a parfois été affirmé que 3000 médecins étaient influencés par le discours des sectes antivaccinales (le mot secte est d’ailleurs très fort pour ce courant d’opinion), ce qui n’est pas exactement le même chose.

Un peu plus loin, alors qu’un spécialiste parle de 5000 morts français annuels par la grippe saisonnière, elle renchérit “Au moins 5000” alors l’INVS parle dans son discours le plus pessimiste de 4 à 6000 morts, et que nous en sommes à nous demander si le chiffre exact ne serait pas plus proche de 500.

Enfin, à propos de la vaccination, elle affirme que les patients se présentant dans un centre de vaccination se verront proposer un choix entre plusieurs vaccins. A se demander si elle a été vaccinée elle-même. Il n’y a bien sûr pas de choix personnel et l’on reçoit le vaccin disponible dans le centre, avec adjuvant au squalène (sauf femme enceinte).

Donc, sur des éléments majeurs de la vaccination, sur des faits peu contestables, la spécialiste santé de France-Inter énonce trois contre-vérités flagrantes.

Je pourrais citer beaucoup d’autres exemples de désinformation manifeste : le Monde titrant sur la grippe pandémique cent fois plus mortelle que la grippe saisonnière, le laboratoire GSK qui prétend sur son site depuis plusieurs mois que la grippe a fait deux millions de morts en France en 1968.

Mais ces 15 mn d’émission de France-Inter constituent une sorte de concentré, une question de cours sur la faillite du journalisme professionnel en France.

Certes, les antivaccinaux “primaires” sont toujours aussi agités et actifs ; mais le problème grave n’est pas là, il est chez ceux qui, responsables de notre information, ne font plus leur travail. A la question “Faut-il ou non se vacciner”, la bonne réponse est ailleurs, par exemple ici.

http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/3000-medecins-francais-sont-dans-65335

par Dominique Dupagne (son site)

vendredi 20 novembre 2009