Le psy du château avait pignon sur rue

Installé dans un beau château de briques rouges de la campagne lauragaise, à Belberaud, où il vivait avec ses patients, Claude David était loin de rester retranché dans sa propriété, tout comme les autres résidents d’ailleurs. Mis en examen pour abus de faiblesse et agressions sexuelles sur mineurs, et écroué depuis le 19 janvier, ce psychologue et psychanalyste avait aussi pignon sur rue en plein centre ville de Toulouse, à deux pas de la place du Capitole, rue Kennedy. « Monsieur C. David », comme l’indique la plaque apposée à l’entrée de cet immeuble bourgeois, occupait ici, au deuxième étage, avec un groupe de psychothérapeutes, des locaux où loge également une association baptisée Arefppi, Association pour la recherche, l’enseignement, la formation et la pratique d’une psychanalyse institutionnelle.

GYM DOUCE ET DANSES LATINO

Premier objectif de l’Arefppi : « L’enseignement théorique et la formation sous la responsabilité de Claude David », indique une plaquette de présentation. Des séances thérapeutiques étaient et sont toujours dispensées ici, mais Claude David et ses amis y ont également développé toute une série d’activités des plus variées : gym douce, danses latino-américaines, troupe de théâtre (la compagnie d’Epidaure) ou encore marionnettes… L’association édite également une revue (« L’Inter-dit »). Un groupe de personnes, parmi lesquelles de vieux compagnons de route de Claude David, anime toujours aujourd’hui ces ateliers « d’art et d’expression ». Un groupe de thérapeutes qui entretient peu de relations avec les professionnels toulousains.

Plusieurs dizaines de personnes fréquentent les ateliers sans se douter le moins du monde de l’existence de la communauté des «Gens de Bernard», installée depuis 10 ans dans le château de la Balme, à Belberaud, à une quinzaine de kilomètres à l’est de Toulouse. La justice, à ce jour, ne reproche rien à l’Arefppi dont les locaux, comme ceux du château, ont été perquisitionnés.

Interpellé le 17 janvier, Claude David a été mis en examen pour une série d’incriminations graves : « Abus de faiblesse aggravés, agressions sexuelles sur mineurs, violences habituelles sur mineurs de 15 ans, abus de confiance et violation du secret professionnel » (lire nos éditions des 19 et 20 janvier). En résumé, d’anciens patients ont déposé plaintes, il y a plusieurs mois, et dénoncé des actes de violences que Claude David aurait commis sur des adultes comme sur des enfants de la communauté. Au centre de l’enquête : le lien entre le psy et ses patients qui le suivaient pour certains depuis vingt ans. Comment va évoluer cette communauté sans son principal animateur ? La trentaine de résidents du château, qui en sont propriétaires, refuse tout contact avec les journalistes. « Aucun commentaire », nous a-t-on également répondu rue Kennedy. Hier, l’avocate de Claude David, Me François Mathe a plaidé sa remise en liberté. Les magistrats doivent se prononcer aujourd’hui. L’enquête se poursuit avec, notamment, les auditions de tous les habitants du château.

Jean-Noël Gros

Une chapelle dans le manoir

Surprise dans le château de Belberaud : l’existence d’une chapelle où Claude David officiait en compagnie des résidents. Cierges, bancs de bois, tableaux pieux… l’endroit a tout d’un véritable lieu de culte. Le psychanalyste Claude David a toujours été attiré par les religions. La communauté est baptisée «Gens de Bernard» en référence au saint. Enfants comme adultes portaient un temps des croix de bois autour du cou. Claude David lui-même arborait une curieuse croix sur laquelle était incrustée une étoile de David.

« Le psychanalyste n’est pas un sauveur »

Psychothérapies, psychanalyses… l’offre comme la demande, en la matière, se sont multipliées. Comment identifier, dans la diversité des pratiques, celles des professionnels des autres. Une psychanalyste toulousaine, rattachée à l’association Infos Sectes, répond à nos questions.

Comment détecter les pratiques déviantes ?

Il y a d’abord les diplômes quand ils sont affichés. On trouve souvent des diplômes fantaisistes ou inconnus en France. La personnalité compte aussi beaucoup. Un psychanalyste n’est pas quelqu’un qui fait référence à lui-même, qui promet un avenir ou qui se présente avec un pouvoir extraordinaire. Il faut se méfier de tout ce qui est autoréférence et pensée unique. Le transfert, ce n’est pas un envoûtement. Le religieux sait qu’il est un relais entre Dieu et le croyant. Le psychanalyste sait qu’il est un support. On ne se positionne jamais comme celui qui va sauver l’autre. Nous sommes là pour accompagner. Et il faut faire très attention à ne pas mélanger l’affectif et le professionnel : on ne peut pas manger et dormir chez son psychanalyste.

Les choses seraient-elles plus simples s’il y avait une instance de contrôle de la profession ?

C’est un faux problème. Les professionnels travaillent en réseau. Tous sont liés à des groupes de travail localement reconnus. Nous avons une pratique « croisée ». Personne ne fonde sa propre école dans son coin.

la dépêche du midi . com  02/02/2007