Catherine Thelahire, la maman d’Alexandre, avait recueilli les confidences de son fils. Il voulait devenir prêtre et Juliano Verbard lui avait signifié qu’il était l’élu de la Vierge. Mais la jeune maman était loin d’imaginer un nouvel enlèvement. En venant s’installer à Saint-Denis il y a deux semaines, elle pensait être à l’abri. Elle raconte comment son fils a été endoctriné.

“Ils voulaient qu’Alexandre entre dans la secte, mais pas nous.” Catherine, la maman d’Alexandre, regarde les photos de son fils en habit de communiant. La famille est catholique pratiquante. Et lorsqu’Alexandre manifeste son désir de devenir prêtre, la révélation de sa vocation ne pose pas véritablement de problème. “Nous nous sommes dits : pourquoi pas ? Après tout, ce n’est pas une honte. Mais ça a été très soudain. Alexandre a toujours voulu être footballeur professionnel. Et tout d’un coup, il voulait devenir prêtre… Pour nous, ce qui comptait, c’est qu’il passe son bac d’abord.” Les parents pensent que l’influence de leurs proches, habitant à Hell-Bourg, n’est pas étrangère à cet engouement soudain. Depuis un an qu’ils habitent à la Réunion, Alexandre et son frère Corenthin sont scolarisés dans le cirque de Salazie. Ils vivent chez René et Chantal, la sœur et le beau-frère de Gérard, le père d’Alexandre.

Une retraite animée par Guillaume Maillot

C’est là que l’enfant entre en contact avec Guillaume Maillot, un disciple du Petit Lys d’amour. “Guillaume nous a dit qu’il allait devenir prêtre. Nous ne nous sommes pas méfiés de lui”, regrette Catherine. Le 23 juin, Alexandre doit faire sa confirmation. En amont, il participe à une retraite animée par Guillaume Maillot. “Il faisait des chapelets, apprenait des prières, fabriquait des bougies… Rien de mal.” Mais en revenant, Alexandre a changé de comportement. Il confie à sa mère qu’il veut devenir prêtre. Guillaume Maillot devient de plus en plus pressant. Il demande à voir l’enfant tous les week-ends. “À partir de là, on a commencé à trouver ça bizarre. Moi et mon mari, nous n’étions pas d’accord. Et puis nous avons su par Mgr Aubry que Guillaume ne deviendrait pas prêtre car il avait des conceptions particulières, quelque chose ne tournait pas rond.” Les parents tentent d’éloigner Alexandre de Guillaume. Les vacances scolaires débutent. Alexandre reste au domicile de ses parents à Sainte-Suzanne et n’a plus de contact avec Guillaume Maillot. Mais le 9 juillet, l’enfant est enlevé. Guillaume lui passe un coup de téléphone et passe le prendre en voiture au bout de sa rue. Alexandre passe la nuit avec Juliano Verbard et plusieurs adeptes. “Il était terrorisé de cette nuit. Il a participé à une messe, puis il a mangé, regardé un DVD et dormi”, raconte Catherine. “Apparemment, ils lui ont dit qu’il était l’élu à ce moment-là.”

“J’ai cru que c’était une farce”

Arrêté par les gendarmes, Guillaume Maillot expliquera que l’enfant devait participer à un exorcisme, comme l’avait demandé le Petit Lys d’amour. Depuis, Alexandre était très agité. Il faisait des crises d’angoisse, demandait à dormir entre ses parents. Il y a deux semaines, la famille déménage rue Sainte-Anne à Saint-Denis. “À partir de là, je pensais qu’on serait tranquilles, qu’on n’aurait plus de problèmes.

On s’était dit qu’il reprendrait le foot à la rentrée et que tout rentrerait dans l’ordre. Alexandre était encore très perturbé mais jamais je n’aurais pu imaginer qu’il se fasse enlever une seconde fois. Il sortait peu. C’était des vacances familiales, tranquilles… ” Jusqu’à vendredi soir. Le déroulement du rapt a duré entre vingt et vingt-cinq minutes. “C’était fou.

Quand je les ai vus rentrer dans l’appartement, avec leur cagoule sur la tête, j’ai d’abord cru que c’était une farce. C’est ensuite que j’ai compris.” Catherine et sa mère Jeanine sont bâillonnées, ligotées et séquestrées dans une chambre. “Ils regardaient partout. J’ai compris qu’ils cherchaient Alexandre.” Un des ravisseurs lance alors à la maman : “Tu sais ce qu’on cherche, tu dois quelque chose à quelqu’un.” Mais quelques minutes plus tard, les ravisseurs repartent avec l’enfant.

Désormais, Catherine n’attend plus qu’une chose : qu’on lui rende son fils. Et que faire ensuite : quitter l’île ? Elle n’y pense pas. “Ici ou ailleurs, c’est pareil. On a un commerce, on ne peut pas partir comme ça. Je ne veux pas fuir devant un criminel, c’est à lui d’aller en prison, pas à nous de partir.”

Frédérique Seigle

 

  "RENDEZ-MOI MON ENFANT" Catherine est dans l’incompréhension et implore les ravisseurs de revenir à la raison : “Juliano Verbard a forcément des gens qui l’aident. Il y a des gens qui savent où il est. Il faut qu’ils parlent. Il faut qu’on me rende mon fils vivant. C’est au nom de Dieu et de la Vierge qu’ils disent l’avoir enlevé. Je ne sais pas ce qu’ils veulent faire de lui. Ils m’ont dit qu’ils ne lui feraient pas de mal. Mais j’ai peur d’un sacrifice ou de quelque chose comme ça. Avec les sectes, on ne sait jamais. Ils doivent me le rendre. Rendez-le moi.”

Clicanoo journal de la Réunion dimanche 5 août 2007