Adeptes de l’occultiste Rudolf Steiner, des médecins anthroposophes, qui ont pignon sur rue, prônent la contamination pour les jeunes ou accusent la 5G.

Covid-19 serait-il apparu du fait de la 5G ? Dans une vidéo enregistrée au Sommet pour la santé et les droits humains en Arizona, le docteur Thomas Cowan développe un argumentaire imparable : le coronavirus est apparu en Chine, en pointe sur cette technologie, tandis que l’Afrique, qui n’est “pas une région de 5G”, s’avère pour l’instant moins affectée par la pandémie. A en croire ce praticien, chaque grande épidémie de l’ère moderne s’expliquerait ainsi par l’exposition à de nouveaux champs électro-magnétiques, d’où leur diffusion rapide. A nos lecteurs s’apprêtant à jeter smartphone et box internet par leur fenêtre, il faut préciser que Thomas Cowan est ancien vice-président de l’association américaine des médecins anthroposophes.

Dans la vidéo, il cite d’emblée l’occultiste autrichien Rudolf Steiner (1861-1925), fondateur de l’anthroposophie, qui, après la grippe espagnole de 1918, assurait que les virus étaient des excrétions de cellules toxiques. A la fin de sa “démonstration”, Thomas Cowan cible les vaccins qui, avec leur adjuvant contenant des sels d’aluminium, feraient de nous des parfaits récepteurs de champs électro-magnétiques. Sans surprise, la vidéo est devenue… virale. La chanteuse de R&B Keri Hilson a notamment tweeté que “des gens ont essayé de nous alerter sur la 5G depuis des ANNÉES”.

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Pour Grégoire Perra, “c’est délirant, mais pas du tout déconnecté de la doctrine anthroposophe”. Cet ex-cadre de l’anthroposophie et professeur en école Waldorf-Steiner est depuis devenu, en France, le plus farouche critique de la mouvance, utilisant notamment sa connaissance des textes de Steiner. Selon lui, “les anthroposophes se méfient de la technologie, et détestent particulièrement les satellites. Parce que selon eux, quand on dort, notre corps astral sort du champ terrestre pour monter dans les étoiles, comme après notre mort. Il doit du coup traverser des satellites. J’ai souvent entendu des anthroposophes se plaindre de ces satellites qui les empêcheraient de dormir”…

Contamination des jeunes bienvenue

Mêlant syncrétisme religieux, rejet du matérialisme et pseudo-sciences, l’anthroposophie est aujourd’hui une vaste nébuleuse qui englobe les écoles Steiner-Waldorf, l’agriculture et la viticulture biodynamiques, des produits cosmétiques présentés comme “pharmaceutiques” (Weleda) ou des banques (La Nef). Une vraie “multinationale de l’ésotérisme”, comme l’a décrite une remarquable enquête de Jean-Baptiste Malet dans Le Monde diplomatique. Polygraphe, Rudolf Steiner s’était intéressé à la spiritualité, à la réincarnation, à l’éducation, à l’agriculture, mais se piquait aussi de médecine. En France, selon l’association pour la recherche et l’enseignement en médecine anthropomorphique (AREMA), il y aurait 350 médecins anthroposophes et de 4000 à 5000 qui prescriraient des médicaments anthroposophiques.

Le courant figure même dans l’enseignement supérieur, notamment à l’université de Strasbourg où sont dispensées des formations de médecine anthroposophique. En Allemagne ou en Suisse, cette médecine a encore plus pignon sur rue. A Berlin, la clinique anthroposophique de Havelhöhe, a été l’une des premières structures hospitalières à propose des tests de dépistage du Covid-19, et a même fait l’objet d’un reportage au JT de la chaîne publique Das Erste. Mais dans cette incroyable interview accordée au Goetheanum (l’hebdomadaire de la mouvance), le directeur médical de la clinique, Harald Matthes livre une bien étrange conception de sa lutte contre l’épidémie. Il explique d’abord que le “virus ne devient dangereux qu’avec l’âge”, occultant le fait que selon une étude du Centers for disease control and prevention analysis, 38% des patients hospitalisés suite au coronavirus avaient moins de 55 ans. Pour ce soignant, il faut ainsi qu’un grand nombre de jeunes soit contaminés afin d’atteindre “l’indispensable immunité collective de 70%”.

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Assurant qu’il trouve “contre-productif” la fermeture des écoles, Harald Matthes développe ensuite sa conception d’une médecine “salutogénique” en opposition à la médecine “conventionelle” : ” La médecine conventionnelle continue majoritairement à se laisser guider par la pathogenèse : c’est ce qui nous rend malades, donc le virus, qui doit être anéanti. Dans la perspective salutogénique, ce dont il s’agit, c’est de développer l’immunité en face de la maladie. Nous devrions passer du concept pathogénique au concept salutogénique. Dans cette perspective familière à la médecine anthroposophique, il est bon que les personnes plus jeunes soient contaminées les premières, pour construire une immunité collective et à terme, protéger les personnes plus âgées. Les arguments avancés dans de nombreux débats sur la vaccination sont la clé, ici aussi. La panique qui a été suscitée – aussi par les médias – a atteint une telle échelle que même des personnes jeunes, qui dans la plupart des cas ne s’aperçoivent pas qu’elles sont infectées, angoissent, voire deviennent hystériques. La médecine conventionnelle, qui revendique rationalité et sang froid, réagit ici sur le mode panique et émotionnel – ce qui ne manque pas d’ironie”.

Apaiser les tensions sociales pour combattre le Covid-19…

On retrouve là l’argumentation qui explique que les écoles Steiner-Waldorf sont régulièrement identifiés comme étant le point de départ de foyers épidémiques de rougeole. L’année dernière encore, l’école suisse de Bienne a été touchée. Rien d’étonnant quand on sait que les taux de vaccination sont dans ces établissements bien inférieur à celui du reste de la population. “Pour les anthroposophes, l’immunité est l’expression de la quatrième composante de l’homme, le “moi””, décrypte Grégoire Perra. “Selon eux, c’est cette partie qui se réincarne. Renforcer l’immunité, c’est ainsi renforcer la présence du “moi” à l’intérieur du corps, notamment par le biais de la chaleur”. Un article paru sur Aether.news (site qui fait la promotion de l’actualité anthroposophique) explique que pour surmonter la maladie, il faut “irriguer de chaleur de part en part” le patient. “Ils affirment que le virus touche essentiellement des personnes âgés dont le “moi” est en train de se préparer à retourner dans l’entité spirituelle. Les protéger, ce serait ainsi les envelopper de chaleur pour permettre au “moi” de revenir dans le corps” poursuit Grégoire Perra. Le même article insiste aussi sur le fait que nos systèmes immunitaires manqueraient de “lumière solaire” et seraient affaiblis par les “tensions sociales”. “Il est donc judicieux de protéger ses poumons, organes de respiration, de l’intérieur et de l’extérieur, en essayant d’apaiser les tensions sociales. Une personne impliquée dans des conflits sociaux non résolus est à mon avis davantage exposée” recommande l’auteur de l’article. Une prophylaxie pour la moins hétérodoxe…

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Derrière cette rhétorique transperce l’idée que cette pandémie qui alarme les tenants d’une médecine “rationnelle”, ne serait pas si grave que cela, et dépend avant tout de notre relation à nos propres corps et esprit. “Pour les anthroposophes, les épidémies viennent du monde spirituel, sont décidées par les dieux”, assure Grégoire Perra. “C’est comme pour la rougeole, ce sont des épreuves qu’il faut accepter parce que cela va nous renforcer. C’est pour cela que dans des établissements Steiner, non seulement on laisse les enfants avoir la rougeole, mais en plus on avait par le passé organisé des cérémonies pour la transmettre activement aux autres. Pour eux, la rougeole comme le coronavirus renforcent l’humanité dans son évolution spirituelle. Ils ne disent pas aussi franchement, préférant parler d’une approche “salutogéne” plutôt que “pathogène”. Mais on comprend bien qu’ils sont contre le confinement, car il ne faut pas s’opposer à l’épidémie”. Comme le théorisait par exemple il y a quelques année un généraliste homéopathe et anthroposophe installé en Alsace, il “ne faut pas considérer un virus comme un “ennemi mortel” à éliminer coûte que coûte, mais comme un phénomène accompagnant le cheminement évolutif de l’ère humain comme de l’humanité”

Du gui contre le cancer

En décembre dernier, un reportage de Complément d’enquête avait montré au grand public les dérives de la médecine anthroposophiqueQuelques mois auparavant, le magazine Sciences et Avenir révélait que des médecins anthroposophes prescrivaient l’ Iscador – soit des extraits de gui fermenté – en complément des traitements “conventionnels” contre le cancer. Or comme la montré l’oncologue Jutta Huebner, ce produit est non seulement totalement inefficace, mais pourrait en plus provoquer des interactions avec les vrais traitements et provoquer des effets indésirables.

“Un cancer, selon la doctrine anthroposophique, c’est un organe sensoriel – oeil, oreille…- qui pousse dans le corps sous forme de tumeur. Les cancers viennent de Lucifer, le dieu qui a éveillé l’être humain à ses sens de manière prématurée. Le gui lui proviendrait d’une précédente réincarnation de la Terre quand Lucifer n’était pas encore actif. C’est une plante qui est ainsi censée le combattre”, assure Grégoire Perra, avant de conclure : “Pour un anthroposophe convaincu, ce n’est pas très grave de mourir, car il y a la réincarnation. Si on meurt du coronavirus, cela veut dire qu’on n’a pas trouvé les forces suffisantes pour cette épreuve. Mais on se réincarnera après un voyage dans les planètes, où les dieux nous octroierons des forces supplémentaires afin de réussir dans notre prochaine vie”. De plus en plus en sous le feu de la critique, les praticiens anthroposophes se défendent régulièrement en assurant que leur discipline a bien évolué depuis l’époque de Rudolf Steiner, et qu’elle n’est pas une médecine alternative, mais une médecine “intégrative” ne se substituant pas aux thérapeutiques classiques, mais les complétant…

Vous pouvez retrouver cet article dans notre newsletter spéciale coronavirus, “le masque et le gel”, envoyée tous les soirs à 19h.

source : https://webmail1d.orange.fr/webmail/fr_FR/read.html?FOLDER=SF_INBOX&IDMSG=48594&check=&SORTBY=1

PSEUDOSCIENCES
Par Thomas Mahler,

 

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