Parmi les quatorze individus mis en examen pour enlèvement et séquestration d’un mineur de quinze ans en bande organisée, douze ont été incarcérés et deux placés sous contrôle judiciaire. Deux autres ont obtenu le statut de “témoin assisté”, mais pourraient être mis en examen ultérieurement. Avec les aveux de Verbard, rebondissement de dernière minute, l’enquête va connaître un souffle nouveau. D’autres interpellations, et pas des moindres, sont attendues.

"Innocent… Innocent !” Quelques instants seulement après l’intervention de la police dans les deux maisons du Petit-Tampon, louées par la secte de Juliano Verbard, l’une des disciples assises sur le carrelage de la varangue scandait comme une litanie “Innocent… Innocent”. Et ce n’était pas de son implication directe dans le rapt du petit Alexandre, qui trouvait ses premiers instants de réconfort à quelques pas de là dans les bras du commissaire Lebon, dont elle parlait, mais plutôt de celle de Juliano Verbard.

ACTE UN : IL NIE

Après avoir tout fait pour éviter qu’il soit capturé jusqu’à s’opposer physiquement aux hommes du GIPN, la secte mettait en place son plan de remplacement pour sauver son gourou. “Innocent… Innocent”, la thèse dûment défendue par tous les membres de la secte et par Verbard lui-même allait tenir jusqu’au début de la matinée de mardi, retardant l’heure de la présentation des suspects chez le procureur, le juge d’instruction et le juge de la liberté et des détentions. “Il y a du retard à l’allumage”, commentait mardi matin, sans plus de précisions, un policier qui attendait l’arrivée du convoi transportant les membres de la secte au palais de justice de Champ Fleuri. En fait, à Malartic, un gros coup venait de se jouer.

Depuis le début de sa garde à vue, Juliano Verbard ne variait pas de version ou très peu. Quelques points de détails contradictoires persuadaient les policiers que l’homme mentait. Mais il le faisait avec intelligence, démontrant même toute sa science de la manipulation. Il niait obstinément. L’instigateur, ce n’était pas lui… le ravisseur, pas davantage… Alexandre “l’élu”, pas du tout, l’enfant ne l’intéressait pas. Et pour étayer sa version et faire preuve de sa bonne foi, il coopérait avec les inspecteurs et leur livrait sur un plateau la plupart de ses complices. Le cerveau, c’était Fabrice Michel, son amant et bras droit de 22 ans. Il avait tout réglé avec la gente féminine de la secte “pour lui faire plaisir”.

Mais lui, Juliano Verbard, désapprouvait. Il avait du reste décidé de se tenir éloigné du petit Alexandre, assigné à résidence dans “l’autre maison”. Des affirmations en contradiction avec les constats des policiers faits sur place. Les hommes de la SUD (Sûreté urbaine départementale) avaient notamment découvert, dans la chambre de Verbard, un matelas de grande taille pour le gourou et son amant Fabrice Michel, et un petit, placé à proximité… pour Alexandre. “Jamais il n’y a eu le moindre attouchement sur Alexandre”, affirmait Verbard que les complices avaient rassuré en lui promettant la libération rapide de l’enfant, après la cérémonie du dimanche. Verbard accusait Fabrice Michel d’être le cerveau, mais le dédouanait dans celui de ravisseur : “Il était avec moi au Tampon”, jurait-il. Des rôles qu’il attribuait aux frères Daleton presque essentiellement.

ACTE 2 : IL AVOUE

La stratégie préétablie était bien en place, d’autant que d’autres membres de la secte, placés en garde à vue donnaient eux aussi des versions comparables qui en tout cas ne faisaient pas endosser la responsabilité du rapt à leur gourou. L’une des femmes entendues allait même jusqu’à avouer être le cerveau de toute l’opération. Sauver Verbard à tout prix était le mot d’ordre. Et puis soudain, alors que rien ne pouvait le laisser présager, alors que les gardes à vue touchaient à leur fin et que déjà on préparait les fourgons pour se rendre à la présentation, Juliano Verbard, insistait pour être entendu de nouveau… “J’ai décidé de vous dire la vérité”, clamait-il. Branle-bas de combat dans le monde policier, retour de flamme chez les disciples. Ou peut-être une nouvelle apparition divine qui se sommait de libérer sa conscience. Verbard se confessait, avouait tout, racontait tout, avec autant de force et d’assurance qu’il avait nié jusque-là. Oui, Alexandre c’est mon idée.

Oui, j’ai tout organisé car il est l’élu, celui qui doit être mon prêtre. Oui, on voulait l’éduquer aux rites anciens de l’église, à la messe en latin… Et le gourou d’expliquer qui a fait quoi lors de l’opération : renseignements et repérage de la nouvelle adresse d’Alexandre, préparatifs et location des maisons, fourniture des voitures, surveillance avant le rapt, attaque chez les parents, organisation de la fuite, évacuation de la bande après l’incendie de la première voiture, conduite de la troupe à travers bois, installation de la planque… Menée en 48 heures avec un succès flagrant, l’enquête de police se prolongeait par une procédure de garde à vue parfaitement bouclée.

Avec un tel dossier, le vice-procureur Audureau pouvait sans états d’âme demander l’incarcération de tous les membres de la bande.

Christian Chardon Frédérique Seigle
Clicanoo.co