Tous les enfants du petit village de Sus (Pyrénées- Atlantiques) ne vont pas à l’école. Une vingtaine d’entre eux restent cloîtrés le jour de la rentrée, comme les autres jours de l’année, dans le château de la secte Tabitha’s Place. Ainsi commence le documentaire de Stéphane Haussy intitulé Sectes : enfants sous emprise, diffusé lundi 8 octobre sur Canal+. “Nous vivons comme au temps des apôtres. Nos enfants sont éduqués comme notre Père veut qu’ils soient éduqués.

A la maison”, explique un membre de la secte. Les hommes portent de longues barbes, les femmes des robes informes. La communauté, qui compte une trentaine de familles, vit plus ou moins en autarcie grâce aux légumes du potager. Pas de médecin ni de médicaments. C’est d’ailleurs à cause de la mort d’un enfant de 19 mois par manque de soins, il y a dix ans, que la secte avait eu un bref moment de célébrité. Rien n’a vraiment changé depuis.

L’éducation nationale accepte la fiction selon laquelle les enfants reçoivent un enseignement dispensé à tour de rôle par des adultes. Les autorités craignent qu’une injonction à observer la loi sur la scolarité obligatoire n’aboutisse qu’à une fuite des enfants à l’étranger. La secte est présente dans le monde entier. Ses membres sont décidés à reconstituer les douze tribus d’Israël pour préparer le retour de Jésus sur la terre. Il s’agit de former une génération de “purs” qui participeront à cet événement.

Pour ce faire, les enfants subissent une éducation spartiate, fondée sur les châtiments corporels. “L’enfant doit payer pour ses propres péchés, avec sa propre souffrance. Vous devez lui faire assez mal pour produire le résultat désiré”, explique une sorte de règlement intérieur. Les bébés sont frappés dès l’âge de 6 mois. Les adolescents, censés avoir la peau plus dure, ont droit à une sorte de flagellation infligée avec des branches de palmier…

Le documentaire de Canal+ montre que les pouvoirs publics surveillent vaguement cette communauté au comportement aberrant, mais n’interviennent guère. Tabitha’s Place est sans doute un cas extrême, mais, selon un rapport parlementaire publié en 2006, le nombre des enfants menacés en France par les dérives sectaires oscille entre 60 000 et 80 000.

Le contingent le plus important, 45 000, est fourni par les Témoins de Jéhovah. Ces enfants sont scolarisés, mais soumis à un très fort endoctrinement. On voit l’un d’entre eux, devenu adulte, reprocher à ses parents de lui avoir volé sa jeunesse. Il devait se rendre à des réunions plusieurs soirs par semaine et le dimanche.

Accompagné par deux adultes, il devait faire du porte-à-porte. Les sectes aiment énormément les enfants. Ils sont plus faciles à conditionner. Et c’est un investissement pour l’avenir.

Dominique Dhombres
le monde 10/10/07