« Démultiplication des risques » dans les entreprises : la mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires (Miviludes) tire la sonnette d’alarme sur un phénomène méconnu donnant lieu à plus de fantasmes que d’actions préventives : l’infiltration des sectes dans le monde économique. Comment les détecter et comment s’en débarrasser ? Pour répondre à ces questions, la mission a présenté, hier, un guide à l’usage des dirigeants d’entreprise, des DRH et de relais comme les chambres consulaires et les organisations syndicales et patronales (*). « En interrogeant nombre d’acteurs de la vie économique, nous nous sommes rendu compte du manque d’information », indique Henri-Pierre Debord, conseiller auprès de la mission. Bien ancrés, les clichés contribuent à sous-estimer le problème : les adeptes, peut-on lire dans le guide, ne sont pas forcément « des personnes désespérées, hallucinées ou simplement fragiles qui se livrent à toutes sortes de rituels étranges ». Ils auraient plutôt le profil de « l’ingénieur type Polytechnique ou Centrale ou du parapsy de haut niveau », note-t-il.

Selon la mission, le risque est grandissant car les sectes, pour assouvir leurs besoins de financement, ont intérêt à investir le secteur économique, plus lucratif que les individus et leurs familles. Elles peuvent, par ailleurs, tirer profit du développement de l’externalisation et des partenariats, en se nichant dans ces interstices. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si leurs domaines de prédilection sont la formation professionnelle, les métiers de la sécurité, les professions du conseil et de l’audit et les chantiers liés aux systèmes informatisés.

Pour combattre ces mouvances, encore faut-il les identifier, ce qui n’est pas aisé puisqu’il n’existe pas de définition juridique du mot secte. Aussi la mission, considérant que l’emprise sectaire consiste en une « mise en état de sujétion », fournit-elle une liste de critères, parmi lesquels : la déstabilisation mentale, détectable aux changements « brutaux » de comportement, au prosélytisme « agressif » ou encore au rejet du monde extérieur ; des exigences financières « exorbitantes » ; des discours « antisociaux » ; des démêlés judiciaires ; ou encore des atteintes à l’intégrité physique.

Actes malveillants
Que faire une fois le risque identifié ? La liberté des croyances, des cultes, des rites et des pratiques propres à chacun étant garantie, l’entreprise ne peut se retourner contre une conviction, mais contre un comportement. Qu’il se réfère au New Age, à des concepts apocalyptiques ou à des techniques psychologisantes, le groupe sectaire « comprend la réalisation d’actes malveillants très préjudiciables pour l’entreprise », tels que la distorsion des processus de décision, la prise illégale d’intérêt, le non-respect de principes du droit des affaires et le conflit d’intérêt entre la gouvernance et la prestation de services externalisés. C’est sur ce terrain-là et lui seul que les sectes apparaissent attaquables, selon la mission.

CARINE FOUTEAU
les Echos 14/12/2007