Ministère interrogé : justice

Ministère attributaire : justice Question publiée au JO le : 01/11/2005 page : 10119

Réponse publiée au JO le : 17/01/2006 page : 543

Rubrique : enfants Tête d’analyse : protection

Analyse : mission d’information. perspectives

Texte de la question : M. Thierry Mariani appelle l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les propositions adoptées à l’unanimité le 28 juin 2005 pour réformer la protection de l’enfance par la mission d’information parlementaire de l’Assemblée nationale sur la famille et les droits de l’enfant. Il souhaite notamment savoir si, afin de moderniser le fonctionnement des juridictions pour enfants, il envisage, d’une part, de prévoir une formation spécifique pour les juges pour enfants avant leur prise de fonctions, d’autre part, de reconnaître les fonctions d’encadrement assurées par le vice-président du tribunal de grande instance, chargé de présider le tribunal pour enfants, et, enfin, de prévoir la publication, par chaque juridiction pour enfants, de ses délais de jugement pour le traitement de l’enfance en danger et se donner pour objectif de les réduire à trois mois.

Texte de la réponse : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l’honorable parlementaire que la situation des juridictions pour enfants retient toute son attention, en particulier s’agissant des points ci-dessus évoqués, pouvant contribuer à leur bon fonctionnement. En premier lieu, la formation des magistrats fait l’objet d’un intérêt tout particulier. S’agissant de la formation initiale des magistrats, il doit tout d’abord être rappelé que, dès le début de leur scolarité, les auditeurs de justice se voient proposer un stage de plein exercice, d’une durée de dix semaines, sur un lieu de stage extérieur à l’institution judiciaire française. Un nombre significatif de stages a ainsi lieu chaque année au sein d’associations oeuvrant dans le domaine de la prise en charge de l’enfance et de l’adolescence délinquante ou en danger. Ces stages donnent lieu, de la part des auditeurs, à la rédaction de rapports écrits d’une vingtaine de pages, conservés sur le site intranet de l’école. Cette documentation sert de base, par la suite, à des travaux de réflexion lors de la période d’études. Durant les huit mois de période d’études à Bordeaux, au cours de la première année de formation, les auditeurs de justice travaillent par groupes de quinze à dix-huit auditeurs, de composition fixe, dits « groupes de directions d’études ». Ils y acquièrent les techniques professionnelles propres aux métiers de substitut des mineurs et de juge des enfants. Au cours de ces enseignements, d’une durée totale de cinquante heures, est privilégiée une approche très concrète (travail sur dossiers, exercices de simulations d’audiences). Un certain nombre de directions d’études est coanimé par un chargé de formation et des personnels éducatifs des secteurs public et privé de la protection judiciaire de la jeunesse ou de l’aide sociale à l’enfance. Des activités de groupe sont par ailleurs consacrées à des thèmes laissés au choix des auditeurs. Parmi ces thèmes ont figuré notamment en 2005 « l’intérêt de l’enfant », « les mineurs étrangers isolés », « la protection des mineurs et le phénomène sectaire », « l’accès au droit en milieu scolaire », ce dernier thème donnant lieu à un travail mené conjointement par les auditeurs de justice concernés et des groupes scolaires issus d’un collège de la banlieue bordelaise. Le stage de plein exercice d’une durée de douze mois, effectué dans toutes les fonctions, dont les fonctions consacrées aux mineurs, au parquet comme au siège, permet ensuite à l’auditeur de justice de se confronter à la réalité juridictionnelle, sous le contrôle de ses maîtres de stage, substituts du procureur de la République ou juges des enfants. Des stages d’observation auprès des services compétents dans le domaine de la protection de l’enfance complètent cette formation. Avant leur prise de fonction, les auditeurs de justice suivent une formation spécialisée composée de deux phases : d’une part, une période de spécialisation fonctionnelle théorique d’un mois à Bordeaux, en mars de la troisième année, au cours de laquelle ils participent à des sessions organisées dans le cadre du réseau des écoles de service public (RESP), et notamment avec le Centre national de formation de la protection judiciaire de la jeunesse et l’École nationale de la santé publique. Certaines de ces sessions ont un lien direct avec la protection de l’enfance (prévention de l’enfance maltraitée, prise en charge de la maltraitance à l’égard des mineurs, prise en compte de la parole de l’enfant, mineurs délinquants….). En outre, des enseignements spécialisés sont délivrés dans la perspective de la prise de fonction en qualité de juge des enfants. D’une durée d’environ cent heures, ce cycle de formation permet d’approfondir l’acquisition des techniques professionnelles et les connaissances en sciences humaines dans le domaine de la prise en charge des mineurs délinquants ou en danger ; d’autre part, le stage de préaffectation de cinq mois, effectué en fin de scolarité dans la fonction choisie, permet de parfaire cette formation. Le futur juge des enfants travaille aux côtés d’un magistrat en exercice, effectue des stages complémentaires dans les services sociaux ainsi qu’auprès des substituts généraux et conseillers de la cour d’appel spécialisés dans le domaine des mineurs. Doit par ailleurs être souligné le rôle de la formation continue dans l’accompagnement de la mobilité des magistrats, et dans la préparation et l’accompagnement aux changements de fonctions tout au long de la carrière ; celle-ci étant une donnée essentielle, au développement duquel l’École nationale de la magistrature s’attache de manière prioritaire. Dans le contrat d’objectifs et de moyens que l’École nationale de la magistrature a signé en juillet 2004 avec la chancellerie, figure une proposition consistant à rendre obligatoire une période de formation continue lors d’un changement de fonctions. D’ores et déjà, l’école propose systématiquement aux magistrats, lorsqu’ils changent d’affectations, de participer à des sessions et stages au cours desquels s’effectuent des échanges fructueux entre praticiens. En 2005, quarante magistrats nommés en qualité de juge des enfants ont suivi ces actions de formation. Par ailleurs, il doit être souligné que le programme de formation continue de l’École nationale de la magistrature comporte de nombreuses actions de formation dans le domaine des mineurs et que sont, de même, mis en oeuvre des stages dans des structures spécialisées en la matière (police, gendarmerie, conseils généraux, secteur associatif, protection judiciaire de la jeunesse, etc.). S’agissant en deuxième lieu de la question de la reconnaissance des fonctions d’encadrement assurées par le vice-président du tribunal de grande instance chargé des fonctions de juge des enfants : il doit être observé que la question de l’encadrement et de la coordination de l’activité des juges des enfants et de la représentation de la juridiction des mineurs à l’extérieur de l’institution judiciaire, pourrait également se poser pour les différentes fonctions exercées au sein du tribunal de grande instance, telle par exemple, l’activité des juges d’instruction, de l’application des peines ou des affaires familiales. Or, en l’état actuel des textes, l’article L. 710-1 du code de l’organisation judiciaire donne au président du tribunal de grande instance le pouvoir de fixer par ordonnance, avant le début de l’année judiciaire, la répartition des juges dans les différents services de la juridiction, et dispose que cette ordonnance ne peut être modifiée en cours d’année qu’en cas d’urgence, notamment pour prendre en compte une modification de la composition de la juridiction. Conférer à un magistrat exerçant les fonctions de juge des enfants, ou l’une des fonctions ci-dessus évoquées, des fonctions d’encadrement relatives à ces fonctions risquerait de conduire à une dispersion des attributions du président du tribunal de grande instance, susceptible de nuire à la cohérence de son action et à une bonne administration de l’institution judiciaire. Dès lors, la mise en oeuvre d’une telle mesure n’est pas en l’état envisagée. En troisième lieu, s’agissant de la durée des instances concernant l’enfance en danger, il doit être souligné que les magistrats du siège comme du parquet amenés à intervenir en la matière ont le constant souci d’apporter dans les délais le plus brefs possible les solutions adaptées à l’intérêt des mineurs. Le dispositif statistique actuellement à la disposition des tribunaux pour enfants ne permet pas de connaître le délai de traitement des affaires. Cependant, pour établir les indicateurs de la loi organique relative aux lois de finances, il a été décidé de compléter ce dispositif. Celui-ci permettra alors, en particulier, d’établir les délais moyens des procédures d’assistance éducative et de protection des jeunes majeurs. Ce nouveau dispositif sera mis à la disposition des tribunaux pour enfants à la fin de l’année 2006. Les premières statistiques sur les délais par les tribunaux seront disponibles au plan national dans le cadre des statistiques sur l’activité des juridictions au deuxième trimestre 2007.