Des évangélistes et pentecôtistes du monde entier occupent le Centre de glace de Malley pourune «Conférence internationale de la guérison», où des pasteurs en costume-cravate et une foule enthousiaste tentent de faire des miracles. Reportage, Fridolin wichser :Publié le 06 mai 2005

A Malley, la patinoire est devenue temple: à l’appel de l’Association internationale des ministères de la guérison, des centaines de fidèles prient pour une guérison miraculeuse.

Aucun paralytique ne s’est levé – à notre connaissance. Mais des centaines de personnes ont trouvé du réconfort, au sens étymologique du terme: elles sortent sinon guéries, en tout cas confortées.

Il est 23 heures ce mercredi soir à Malley. Après trois heures d’une célébration à l’allure de show, le calme retombe peu à peu sur la patinoire. Un jeune homme – carrure de déménageur, tee-shirt et jeans – est debout, figé dans la posture de l’adoration, mains écartées, tête en arrière. Le quinquagénaire exubérant qui a chanté et dansé toute la soirée à ses côtés (son père? un pasteur?) lui fait l’imposition des mains. Plus discret, un vieil homme se contente de poser sa dextre sur la nuque. Soudé , immobile à l’exception des lèvres qui remuent, indifférent à l’entourage, le trio prie.

Au pied de la scène, une femme est allongée à même le sol, entourée de ses proches. Même masque extatique que le jeune. Des infirmes en fauteuil roulant, des enfants présentés par leurs parents se font imposer les mains par l’un des officiants.

Six mille fidèles attendus

Composée essentiellement d’Eglises évangélistes et pentecôtistes, l’Association internationale des ministères de guérison (AIMG) a loué pour le week-end de l’Ascension le Centre de glace de Malley pour une «Conférence internationale de la guérison en Europe».

Présente sur les cinq continents, l’AIMG veut «aider les Eglises chrétiennes à redécouvrir le ministère du charisme de guérison», explique son président pour l’Europe Jean-Luc Trachsel.

Les organisateurs espèrent 6000 personnes d’ici à demain. Quatre mille inscriptions préalables ont été enregistrées, dont 600 enfants – pour qui un atelier a été organisé. «En Asie et en Afrique, ces rassemblements attirent des centaines de milliers de participants, mais en Europe, et plus encore en Suisse, c’est un très bon score», se félicite Jean-Luc Trachsel. «L’homme ne vit pas que de pain seulement», lancera aux participants Claude Ruey, un invité d’honneur très engagé. N’empêche: si l’entrée est libre, il faudra bien couvrir un budget de 300 000 francs. Là, pas de miracle, l’officiant cite l’apôtre Paul: «Que chacun donne, sans tristesse ni contrainte, mais avec joie!» Et précise: «Il faudrait 30 à 40 fr. par jour et par personne»…

Il régnait mercredi une grande chaleur dans la glacière de Malley. Les gens se sourient, se saluent sans se connaître. Se méprenant sur mon badge, un ado me donne du «bonsoir, M. le pasteur». Son copain me lance, sans rire: «Attention, c’est peut-être une parole prophétique!»

Le premier «service de miracles et de guérisons» commence. Le message est clair: «Attends-toi à recevoir un miracle!» Après deux heures d’exhortations et de chants accompagnés à un rythme endiablé par l’orchestre, la foule est prête à recevoir le premier des pasteurs conférenciers invités.

De la guérison à l’exorcisme

Les «chasseurs de sectes» prêtent une réputation sulfureuse à certains d’entre eux. Reinhard Bonnke vend (dans les stands attenants) livres et DVD relatant par le menu comment il a ressuscité un pasteur africain. L’ancien ouvrier de Peugeot Samuel Peterschmitt est quant à lui dans le collimateur d’une association créée par le veuf d’une adepte.

Pasteur de plusieurs églises de Normandie, Freddy de Coster ne figure pas sur cette liste noire. Pourtant, son style agressif tranche avec nos mentalités. Costume-cravate, sermon mimé jusqu’au burlesque, le show-man prêterait presque à sourire.

Mais dans son discours, l’homme ne fait pas dans la dentelle. Reprenant la parabole du vase d’huile précieuse gâtée par des mouches mortes pour avoir été mal fermé (Ecclésiaste), il a la comparaison crue. Le vase, c’est notre corps. Les mouches mortes, ce sont les péchés qui l’empoisonnent: adultère, avortement, drogue (son collègue zurichois Leo Bigger y ajoute l’homosexualité).

«Veux-tu t’ouvrir à Christ ou devenir l’urinoir de Satan?» lance-t-il à la foule médusée. La séance de guérison devient exorcisme collectif: «Que tous ceux ici qui ne proclament pas la seigneurie du Christ soient détruits! Satan, va-t-en!»
Et d’inviter tous ceux qui veulent se purifier à s’avancer pour recevoir l’imposition des mains. Ils sont plus d’une centaine à s’agglutiner au pied de la scène, bras levés en V.