La MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a "cette année" décidé de donner à la protection des mineurs "plus d’ampleur" pour trois raisons: "la nécessaire vigilance de l’État", le fait que les enfants sont "souvent la cible des groupes" sectaires, et "les conséquences importantes sur l’enfant de l’appartenance sectaire de ses parents", indique-t-elle dans son rapport 2005, rendu public aujourd’hui, mercredi 26 avril 2005 (L’AEF du 19/04/2006, 64309, et du 26/04/2006, 64508). "La CPPS (Cellule de prévention du phénomène sectaire) du ministère de l’Éducation nationale est toujours très active, en particulier dans la formation des cadres administratifs de ce ministère. Des contrôles sont effectués dans les établissements hors contrat, et pour les enfants dont les parents choisissent de les instruire à domicile. Il reste cependant un certain nombre de problèmes." Voici un panorama des questions relatives à la protection des mineurs et à l’action du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

SOUTIEN SCOLAIRE. Le soutien scolaire et les organismes para-scolaires constituent un "marché libre et concurrentiel, où les seuls contrôles qui puissent être exercés sont ceux d’ ‘hygiène et sécurité’. Les organismes qui le souhaitent peuvent obtenir un agrément de l’Éducation nationale. Il règne à ce jour une grande opacité dans laquelle se sont engouffrés des groupes sectaires comme la scientologie, qui distribue dans les banlieues des tracts pour des cours de soutien (au collège Victor-Hugo d’Aulnay-sous-Bois, par exemple). Ce créneau du soutien scolaire semble être une des nouvelles pistes de la scientologie, puisqu’on la voit développer ses écoles de soutien en Bavière."

"ÉCOLES DE FAIT". Parmi les problèmes en suspens identifiés par la MIVILUDES figurent "les ‘écoles de fait’ ". "Lorsqu’un établissement scolaire ne correspond pas aux critères, pourtant bas, pour ouvrir une école hors contrat, des procédures sont enclenchées par l’Inspection académique."

LOISIRS ET VACANCES. "Le ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative a en charge le contrôle des séjours de vacances pour les mineurs. Mais il ne peut exercer ce contrôle pour les séjours à l’étranger. Là encore, seuls les organismes émanant de l’Éducation nationale ont – et peuvent avoir – un agrément garantissant leur fiabilité. Par ailleurs, seuls les lieux d’accueil avec hébergement de 12 mineurs au plus et durant plus de 5 nuits sont soumis à déclaration." Dans le domaine des centres de loisirs, tous les organisateurs ne sont pas obligés de se déclarer auprès des services de la jeunesse et des sports et de fournir un projet éducatif. "C’est pourquoi l’on constate des dérives sectaires dans les courts séjours: ainsi à Millau, Alter’n Educ reçoit pour des séjours de 6 jours des enfants de 6 à 16 ans avec, au programme, des jeux de rôle, du yoga, des groupes de paroles, dispensés par des adeptes de Krishna."

INTERNET. La MIVILUDES rappelle aussi "la dangerosité de l’utilisation d’Internet sans suivi parental. (…) Des projets de refonte de la loi de 1949 sur la protection de la jeunesse en matière de publications (…) sont régulièrement évoqués. Il serait certainement utile que le Parlement se penche sur la possibilité d’inclure les problèmes liés aux dérives constatées sur l’Internet, si une révision de cette loi se concrétisait à brève échéance", estime-t-elle.

INSTRUCTION À DOMICILE. La CPPS a "particulièrement axé son effort" en 2005 sur le contrôle des enfants instruits à domicile ou dans des établissements privés hors contrat. "Plus de 1 000 contrôles" ont été réalisés par des personnels d’inspection. "Dans quelques cas (rares), la famille a été amenée à inscrire l’élève dans un établissement public ou privé sous contrat", indique la MIVILUDES.

PRIVÉ HORS CONTRAT (1). "Pour les établissements privés hors contrat, [le] contrôle ne vise qu’à vérifier les conditions de déroulement de l’enseignement et non à en évaluer la qualité", précise la MIVILUDES. Ces contrôles ont "prioritairement visé les écoles qui relevaient de mouvements sectaires ou extrémistes". Une seule école relevant de la première catégorie "existe encore (treize enfants concernés en 2003), celle de la communauté de Sus, dans les Pyrénées-Atlantiques".

PRIVÉ HORS CONTRAT (2). Les établissements privés d’enseignement supérieur hors contrat constituent "un cas particulier", puisqu’ils ne sont soumis "à aucun contrôle ni évaluation". "Après déclaration, leur ouverture est soumise à des conditions minimales (…). Certains établissements présentent cette déclaration comme un label afin d’attirer du public (certaines écoles de secrétariat préparant aux BTS ou aux DUT, par exemple). Mais la plupart des établissements (…) ne posent aucun problème, qu’il s’agisse des facultés catholiques, des écoles de commerce ou des écoles d’ingénieurs." À l’inverse, "des dérives sont possibles, sinon certaines, dans des établissements qui exercent leur activité dans le secteur de la santé et plus particulièrement des psychothérapies. Toute amélioration de l’offre et de la qualité des formations, par exemple par une accréditation de ces formations ou la mise en place de diplômes d’État, dépendrait d’initiatives prises par le ministère de la Santé, éventuellement conjointement avec le ministère de l’Éducation nationale."

ENSEIGNEMENT À DISTANCE. "Les possibilités de contrôle peuvent être considérées comme satisfaisantes en ce qui concerne l’enseignement dans les familles et les écoles privées hors contrat, elles sont limitées sinon nulles en ce qui concerne l’enseignement à distance. Or, c’est probablement le secteur où les dérives sectaires sont les plus nombreuses. Faute d’un accord entre États, difficilement envisageable quand on connaît les différences d’approche du problème, on voit mal comment améliorer la qualité de ce contrôle." La situation est encore compliquée "par le fait que l’ouverture totale des marchés intervenue depuis 1971 rend [les contrôles des organismes de formation à distance] inopérants dès lors qu’il s’agit d’un établissement situé à l’étranger. Or, l’offre de formation sur Internet est multiforme et souvent marquée par la présence de mouvements sectaires implantés aux USA et au Canada."

ASSOCIATIONS EN MILIEU SCOLAIRE. S’agissant d’activités postscolaires, "de surcroît organisées en dehors des locaux scolaires", l’Éducation nationale ne dispose "d’aucun moyen de contrôle", relève le rapport. Par ailleurs, la CPPS travaille avec plusieurs directions du ministère "à la modification du décret du 6 novembre 1992 qui précise le cadre réglementaire des relations qu’entretient le service public d’éducation avec les associations intervenant en milieu scolaire. Le système d’agrément pourrait ainsi être modifié [pour] garantir la qualité de l’intervention de l’association et prévenir tout prosélytisme sectaire. Il s’agit là d’un objectif de l’année scolaire en cours." En outre, "l’effort réalisé pour améliorer le contrôle des enfants échappant au système scolaire institutionnel sera prolongé de même que seront renforcées les séances de sensibilisation proposées systématiquement aux personnels de direction ou d’inspection".

Lire aussi:
– Dérives sectaires: le rapport annuel de la mission interministérielle met l’accent sur les risques de déscolarisation et s’intéresse au phénomène du satanisme chez les jeunes (L’AEF du 23/03/2005, 51496)