La Liberté – Fribourg,Suisse
11/04/2005

 Deux «anges de Raël» tiennent les rênes d’un «café féminité»

 Secte · Des affiches invitent le public à des rencontres sur le thème de la féminité dans un restaurant de Lausanne. L’association qui les organise est d’obédience raélienne. Enquête.

 MARIE BERTHOLET jérôme cachin

 Les affiches rose et mauve placardées sur les murs de Lausanne se gardent bien de le mentionner: au moins deux des organisatrices du «café féminité» qui a lieu demain soir dans l’établissement Le Ripp’s sont membres de la secte de Raël. Il s’agit de Dora Kefi, attachée de presse de la secte en Suisse romande et de Myriam Dorsaz. Officiellement, c’est une association, Femmes planét’terre, qui organise ce nouveau café…

 «Je suis raélienne», reconnaît Dora Kefi. «Mais les «cafés féminité» et l’association n’ont rien à voir avec ma religion», s’empresse-t-elle d’ajouter. Elle se défend de faire du prosélytisme.

Egalement membre de Femmes planét’terre, Myriam Dorsaz admet elle aussi volontiers son appartenance aux raéliens «depuis 25 ans». Et, comme Dora Kefi, elle nie un quelconque lien entre sa secte et les réunions organisées au Ripp’s. La rencontre de demain est la deuxième d’une série qui a débuté le 8 mars (Journée internationale des femmes) avec pour thème «La féminité dans la société: son importance». Une rencontre doit avoir lieu chaque mois.

 les «valeurs» des deux sexes

 «Il ne s’agit pas du tout d’un café féministe», affirme Dora Kefi, qui veut promouvoir «les valeurs féminines que sont l’écoute, la compassion, la douceur».

Quant aux valeurs des mâles, elles sont, toujours selon les mots de Dora Kefi, «l’action, le leadership et l’audace». Cette opposition entre les «valeurs» des deux sexes, bien en évidence sur l’affiche («valeurs féminines: valeurs de compréhension – valeurs masculines: valeurs d’action») et dans le discours des deux femmes, se retrouve aussi dans les textes de la secte.

Au cours de ces rencontres, Dora Kefi nous explique aussi vouloir inciter les mâles à développer leurs qualités «féminines», en leur apprenant à vivre plus pleinement leurs émotions. Le «café féminité» vise, de plus, à encourager les femmes à prendre leur place dans la société, «mais pas le pouvoir aux dépens des hommes», nuance Dora Kefi. «Je pense qu’il est faisable d’être à la fois douce et ferme», estime Myriam Dorsaz.

 similitudes troublantes

 Là aussi, la rhétorique est raélienne. Sur un site internet de la secte, un texte intitulé «La féminisation – L’homme de demain sera-t-il une femme?» ne laisse en effet planer aucun doute sur la similitude entre le discours des organisatrices du café et celui de la secte. Mais il y a plus troublant encore, car Dora Kefi et Myriam Dorsaz ne sont pas n’importe quelles raéliennes…

La secte est née dans les années septante. A l’origine, il y a une prétendue révélation faite à Claude Vorilhon, alias Raël. Un petit extraterrestre aux longs cheveux noirs, aux yeux en amande et à la peau olivâtre lui aurait appris que les Elohims, venus d’une autre planète, avaient créé la vie sur terre. Le gourou vend ses livres et la secte prospère. L’engagement de la secte pour le clonage, avec ses relents d’eu- génisme a défrayé récemment la chronique.

 colliers de plumes

 Mais, avant tout, au centre des principes prônés par Raël, il y a la soumission sexuelle de ses disciples femmes. L’instrument de cette soumission est l’«Ordre des anges», auquel peuvent adhérer «de belles jeunes femmes prêtes à tout pour le plaisir de Raël». («La Liberté», 2 août 2001). Les anges de Raël se distinguent par le port de colliers à plumes blanches. Or, en examinant la photo d’un récent article sur le «café féminité» («Lausanne-Cités», 7 avril 2005), une évidence s’impose: Myriam Dorsaz et Dora Kefi portent des colliers à plumes.

Sur cette question, Myriam Dorsaz refuse de s’expliquer. Dora Kefi déclare pour sa part: «Oui, j’appartiens à l’Ordre des anges et j’en suis fière!»

«La Liberté», en 1997 et 1998 avait refusé de publier un droit de réponse de la secte suite à un article qui affirmait que cette dernière «prône théoriquement dans ses écrits la pédophilie et l’inceste». Les raéliens avaient fait recours, mais le Tribunal cantonal fribourgeois, puis le Tribunal fédéral, avaient alors admis que la secte «promeut bel et bien la pédophilie et l’inceste dans ses écrits». La justice avait finalement donné raison à «La Liberté»: un journal a le droit de refuser un droit de réponse lorsqu’il est manifestement erroné. Comme l’était celui des raéliens lorsqu’ils disaient réprouver la pédophilie et l’inceste. MB/JC