Lettre adressée à Georges Fenech, en sa qualité de Rapporteur de la nouvelle commission d’enquête sur les sectes, pour lui présenter le point de vue du CICNS sur le manque d’ouverture et de représentativité de la politique des pouvoirs publics en matière de "lutte contre les dérives sectaires"

A l’attention de M. Georges Fenech
Député du Rhône 11ème circonscription
Rapporteur de la commission d’enquête relative à l’influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs
9, rue Victor Hugo
69700 GIVORS

Montpezat de Quercy, le 16 juillet 2006

Objet : Commission d’enquête parlementaire
Réf : cicns/GF/n°1

Monsieur le Rapporteur,

Le CICNS est une association indépendante dont l’objet est d’équilibrer le débat sur la question des nouvelles spiritualités en France. Nous vous invitons à visiter notre site pour plus d’informations sur notre action www.cicns.net et en particulier notre section video : www.cicns.net/Video.htm qui présente des interviews de sociologues, juristes, écrivains ainsi que des témoignages de personnes discriminées.

Notre analyse de la politique des pouvoirs publics sur le traitement des nouvelles spiritualités en France (détaillée sur notre site) nous amène au constat suivant :

– Cette politique a mis au ban de la société toute une frange de la population qui ne demande qu’à vivre le droit à la liberté spirituelle, pourtant protégé par notre Constitution et la loi de 1905 ; elle a conduit à un amalgame entre spiritualité et criminalité à travers le mot "secte" en particulier, suite aux deux premières enquêtes parlementaires, au sujet desquelles la plupart des experts sérieux sur la question s’accordent à dire qu’elles n’ont pas respecté les règles élémentaires du contradictoire. L’effet des rumeurs non fondées et les discriminations qui ont suivi la mise à disposition publique de ces enquêtes ont totalement été passées sous silence.

– Elle ne s’appuie que sur les informations issues d’associations anti-sectes notoires et sur le témoignage d’apostats, dont la situation est bien sûr à prendre en compte mais qui ne peuvent constituer la seule partie prise en compte.

– Elle a mis délibérément de côté le travail important des universitaires (sociologues des religions en particulier) qui présentent une version beaucoup plus sereine et réfléchie de la réalité.

– Elle est sévèrement évaluée par le conseil de l’Europe (loi About-Picard) ainsi que par certains organes internationaux comme l’ONU.

– Après plus de 20 ans, force est de constater qu’il n’existe aucune preuve tant sociologique que juridique pour justifier la thèse du fléau social qui sous-tend l’arsenal de lutte contre les dérives sectaires en France.

Ce constat nous a conduit à initier une commission d’enquête citoyenne sur la liberté spirituelle en France www.cicns.net/CEC.htm. Nous sommes convaincus que ce type de débat est pourtant du ressort de notre Parlement, mais par deux fois déjà le travail effectué par cette institution n’a pas eu la rigueur attendue d’un pays démocratique et laïc. Nous avons fait part de notre vive préoccupation à M. Jean-Louis Debré et M. Philippe Houillon lors de la création de cette troisième enquête quant à ses justifications, qui nous paraissent infondées.

L’évocation de la légitimité du suffrage universel pour appuyer "la lutte contre les sectes" (la " lutte " n’est-elle plus seulement dirigée contre les dérives sectaires ?), dont vous avez parlé lors de la séance d’ouverture de la commission est sujette à de fortes interrogations pour toutes les raisons précisées ci-dessus. Dès lors, nous vous demandons de bien vouloir mettre à disposition du public, l’intégralité des conditions et des modalités de conduite de l’enquête, permettant aux citoyens d’apprécier tout au long de son déroulement le respect du contradictoire. Le CICNS portera une attention soutenue sur tous les aspects concernant cette commission et attend de notre Parlement un sursaut urgent et salutaire sur ce sujet pour une réelle ouverture des débats.

Nous vous remercions pour l’attention que vous voudrez bien porter à ce courrier et vous prions d’accepter, Monsieur le Rapporteur, nos respectueuses salutations.

Eric Bouzou, Président du CICNS